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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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8 octobre 2023 7 08 /10 /octobre /2023 14:28

Ce n'est pas la première adaptation du roman à succès (1896) de Henryk Sienkiewicz, mais c'est la première qui soit vraiment significative: une durée imposante, près de deux heures, de grands moyens, des centaines de participants, et une volonté de tourner l'histoire Romaine en un spectacle cinématographique. Autant d'aspects qui auront un impact sur le cinéma du monde entier, lorsque tous les pays, à la suite des Italiens, des Danois et des Français, vont eux aussi orienter l'industrie cinématographique vers le long métrage...

L'histoire part d'un enlèvement, mais effectué par l'empereur lui-même: à la demande de son ami Petronius (Gustavo Serena), Néron (Carlo Cattaneo) enlève la jeune Lygia (Lea Giunchi), élevée par des Patriciens, afin de la marier avec Vinicius (Amleto Novelli). Lygia connaissait Vinicius, mais de là à l'épouser... Et Vinicius, qui a assisté aux hésitations de la jeune femme lors d'un banquet, décide de se l'approprier... Mais la jeune femme est suivie à distance respectable, par son esclave, le fidèle Ursus, qui est un homme très fort, et lui est totalement dévoué. ll reçoit une aide précieuse, celle des Chrétiens de Rome avec lequels il récupère Lygia... 

Petronius tente de calmer Vinicius (notamment en lui apportant une jolie esclave, autres temps...) mais rien n'y fait. En attendant, tout Rome semble se mobiliser pour retrouver la jeune femme et la ramener à Vinicius.

Le fond du problème, dans Quo Vadis? (assez typique d'un roman de la fin du XIXe siècle), est un conflit de civilisation, entre la Rome Patricienne, sous la coupe d'un empereur fou furieux, et capricieux jusqu'à l'extrême, éprise de ses privilèges, et de la vie dissolue que permet l'esclavage, et d'autre part les premiers Chrétiens, symbolisés ici par Lygia et d'autres, la jeune femme devenant presque le vecteur inattendu d'une rencontre qui n'aurait peut-êytre jamais eu lieu sans elle... C'est bien sûr naïf, et ça ressort plutôt du mélodrame que de l'histoire, tout comme d'ailleurs, hélas, l'est le personnage de Chilo, un homme de la pègre qui apporte son aide à Vinicius pour repérer Lygia, et se comporte selon tous les codes théâtraux qui désignait Shylock, ou un Juif, à cette époque.

Mais le roman est ici représenté dans toutes ses grandes lignes, développées grâce à la durée, et il est remarquable de voir comment Guazzoni a traité cette histoire foisonnante, qui part d'une anecdote pour aller vers le drame, passant par la présence de l'apôtre Pierre à Rome, et incluant aussi la menace des persécutions. Comme d'autres avant et après lui (Capellani, Griffith, Stiller, Blom, Christensen, DeMille, etc), Guazzoni repose sur l'importance de figurer des moments épiques, et le dosage de leur représentation... ce que Mauritz Stiller appelait des "montages d'attractions". et là où l'exposition du film repose beaucoup sur l'habitude de l'époque (intertitre annonciateur, plan pour illustrer, puis un autre intertitre, etc), l'incendie de Rome reçoit un traitement en longueur, à partir d'un plan de fournaise, puis les lions du cirque, inquiet dans leur cage, puis la panique, etc... On multiplie aussi les digressions durant l'incendie (évanouissement de Vinicius, Néron déclamant ses poêmes...) pour faire monter le suspense. C'est magistral...

La façon dont les Romains réalisent le danger d'avoir néron comme empereur, l'incendie de Rome, le Cirque et les sacrifices de Chrétiens, la douceur des premiers Chrétiens qui vont au supplice, Lygia sur un taureau sauvée par le dévouement d'Ursus... tous ces passages obligés, mais aussi l'éveil de Petronius à l'amour parle biais des sentimentsde son esclave Eunice, autant d'ingrédients qui font de ce film une des premières grandes dates dans le développement du long métrage; on les retrouvera pour la plipart dans d'autres films, notamment les autres Quo vadis?, de Gabriellino d'Annunzio (1925), et de Mervyn Le Roy (1951), mais aussi bien sûr dans l'adaptation de contrebande qu'était The Sign of the Cross (DeMille, 1932).

Bref, on pourra dire ce qu'on veut sur les lourdeurs de voir tous ces gens en toge, sur le message habituel du peplum (Chrétiens, bons, Romains, pas bons), sur les gestes amples de ces figures antiques, mais Quo Vadis reste à mes yeux une étape essentielle...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Enrico Guazzoni * 1913
4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 18:24

Le film nous présente une organisation criminelle tentaculaire, celle de "Sapphire" Mike Wilson (Wade Botteler): un véritable syndicat du crime comme le début des rutilantes années 20 les imaginait... On s'apprête à fêter le retour de Roger Moran (Lloyd Hughes), qui a fait de la prison. En particulier, Betty Palmer (Enid Bennett) se réjouit de retrouver son petit ami. Mais ce dernier, qui a beaucoup pris le temps de réfléchir en prison, a pris en particulier la décision de sortir de l'organisation... Il quitte donc la bande, lors d'une soirée où tout le monde, dégoûté, le prend désormais pour un traître... Y compris Betty.

Le temps passe, et Roger a trouvé un lieu où se refaire, et un emploi: il aide un vieux couple, un banquier et sa femme, dans une petite communauté rurale à l'Est. Mais la bande, comme dans tout bon mélodrame, a des vues sur la banque, précisément, de cette petite ville, et Betty et une amie viennent passer quelques jours. Elles tombent nez à nez avec leur ancien condisciple...

C'est un film réalisé pour le stuio de Thomas Ince, qui était très industrieux à cette époque dorée. Le film populaire (aventures, mélodrame, western et comédie) y sont les principales denrées... Niblo y était un metteur en scène à tout faire, en particulier le mélodrame. Avant donc de se trouner vers l'aventure avec un grand A avec des films réalisés pour Fairbanks (The mark of Zorro, The three musketeers) qui montreront une autre facette de son talent (académique) il développe donc une intrigue forteent morale qui n'aurait que peu d'intérêt si d'une part, il n'y racontait une histoire qui est un cheminement paradoxal. Une fois un coup fait, un personnage rangé fait la trajectoire inverse et réussit à changer le cours des choses en provoquant un simulacre de casse... 

Le film est soigné, quelques moments montrent, sinon du talent, au moins du savoir-faire, et Enid Bennett en femme qui a fait des mauvais choix et que l'amour fait évoluer vers le doute, est plutôt intéressante... Pour finir, le montage est truffé de petits moments de correspondances entre les scènes, qui font un peu penser à la façon dont Lang utilisait les images pour commenter l'action avec ironie. Quand les deux femmes qui sont à la campagne sous un prétexte prétendent s'éloigner "pour affaires", un plan nous montre l'inquiétant patron de l'organisation criminelle...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1920 Fred Niblo *
30 septembre 2023 6 30 /09 /septembre /2023 15:35

Visitant l'Egypte, le peintre Wendland (Harry Liedtke) se rend autombeau de la Reine Ma, où l'étrange Radu (Emil Jannings) lui prétend que la momie hante les lieux. Mais c'est une supercherie, Radu ayant séquestré une jeune femme (Pola Negri) dans le tombeau... Wendland lui vient en secours et la délivre, puis s'enfuit avec elle. Radu, devenu fou, se rend à leur poursuite pour se venger...

Alors qu'il devenait lentement mais surement le numéro un du cinéma Allemand, Lubitsch s'essayait à tous les genres, dont un certain exotisme de pacotille. Il y reviendra d'ailleurs (SumurunDie Weib Des Pharao), mais ce film ne passe plus, excepté pour certaines séquences triées sur le volet. Le final en particulier, dont l'intérêt relatif est du aux talents conjugués de Jannings et Negri. Pour le reste, il fallait bien faire bouillir la marmite et faire oublier une guerre en voie d'être perdue.

On ne pourra par contre pas s'empêcher, à travers ces histoires de supercheries et de soumission (notamment celle de Ma à Radu, au-delà de la folie, qui exerce sur elle un pouvoir hypnotique assimilable à celui d'un Svengali, de penser au film de Karl Freund qui en reprendra les contours, mais cette fois-ci, point de supercherie... Pour le reste, l'intérêt du film reste d'être historique, comme on dit poliment. Lubitsch avait certainement mieux à faire!

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Published by François Massarelli - dans Ernst Lubitsch Muet 1918 *
27 septembre 2023 3 27 /09 /septembre /2023 18:11

Dans la steppe, une troupe de Cosaque vit joyeusement, entre raids et pillages... Mais l'un d'entre eux n'est pas très populaire: Lukashka (John Gilbert) a beau être le fils du chef (Ernest Torrence), ce dernier se lamente, car sa progéniture n'a aucun intérpet pour la guerre... Il préfère (car il est fort fripon) rester au village et lutiner les filles, surtout Maryana (Renée Adorée). celle-ci ne se laisse pas trop faire, jusqu'au jour où elle avoue son affection. Transformé, Lukashka décide de devenir un vrai Cosaque, et en rajoute tellement que son père est ravi. Mais en revenant au village, son attitude de matamore est tellement désagréable pour Maryana qu'elle lui prfère un élégant bellâtre de sang noble (Nils Asther)...

C'est sous l'égide de Léon Tolstoï que ce film a été tourné, et la MGM a tout fait poour évoquer la Russie. Des prairies pour imiter la steppe, de beaux décors naturels, la construction d'un faux village convaincant, des costumes (avec chapeau-moumoute de rigueur), et des danses appropriées. Plus, des figurants  engagés sur leur pedigree slave, ce qui n'était pas si difficile à cette époque de changements géopolitiques... Mais si George Hill est un réalisateur compétent et qui fut un ancien chef opérateur, donc partuculièrement apte à composer de belles images, il n'a eu entre les mains qu'un scénario de second ordre, des aventures toutes plus indigentes les unes que les autres... 

Et d'ailleurs, la résolution de ce film passe par des séquences qu'on jurerai emprintées au western, d'autant que les décors renvoient plus à Monumen Valley qu'à la Sainte Russie! Mais voilà, le but affiché par le studio n'était absolument pas de fournir une oeuvre d'art de grande qualité, mais bien de proposer un film d'aventures aussi bas du front que distrayant. Aussi bien Hill (qui partira du plateau avant la fin, remplacé par Clarence Brown qui a sûrement du se boucher le nez) que Gilbert que Renée Adorée, personne donc n'y trouva son compte... Sauf le spectateur peu regardant.

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Published by François Massarelli - dans 1928 Muet *
25 septembre 2023 1 25 /09 /septembre /2023 18:11

La première scène justifie à elle seule le titre: une rue de Shangai, la nuit, avec des marins de tous les pays qui se retrouvent en bordée, entre (forte) consommation d'alcool et fréquentation de dames obligeamment présentes... Les hommes se saoulent, fraternisent, chantent (fort) et consomment...

Ce qui surprend aussi, c'est le fait que le film, en l'état, ne soit ni muet ni parlant: c'est un hybride, une copie partiellement sonorisée avec musique et bruitage et le cas échéant des chansons, mais dont les dialogues sont constitués d'intertitres sauf lorsque les répliques, privées éventuellement de leur sens, ont un intérêt dramatique ou documentaire... Un ordre solennel donné par un officier, par exemple...

Le film raconte l'odyssée dangereuse d'un sous-marin qui prend la mer et dont le destin de l'équipage va être mis à rude épreuve, car suite à une collision avec un navire, il a coulé et commence à se remplir d'eau. Le capitaine fait partie des victimes de la collision, et un sous officier, Price, assume le commandement. Une course contre la montre s'engage, et un autre suspense se met en place: un des officiers a été reconnu à Shangai par un Anglais qui a vu en lui un "fantôme", un marin qu'il croit mort... Qu'en est-il?

C'est une expérience étrange, que de n'avoir pu conserver qu'une version très intermédiaire d'un film... A sa sortie, Men without women existait certainemnt sous la forme de copies totalement muettes, à destination des salles rurales des Etats-Unis, mais surtout d'une version parlante qui était évidemment celle qui faisait autorité. Mais en l'absence de versions étrangères, le marché non anglophone ne pouvait profiter du son que dans cette version hybride, qui maintenant l'atmosphère sonore du film sans rendre le dialogue impossible à comprendre (les intertitres des copies étaient adaptés dans les pays qui importaient cette version).

C'est un film d'aventures dans lequel les hommes n'ont que peu de temps à consacrer au fait de penser aux femmes, le titre étant surtout là pour attirer le spectateur. On reconnait John Ford, fasciné par cette histoire d'un groupe d'hommes à la dérive (aucun jeu de mots ici), qui vont unir leurs efforts pour le bien commun, certains allant au sacrifice. Une fascination facilitée par la profonde sympathie du metteur en scène pour ces marins, qui ne seront certes pas les derniers de son oeuvre (Seas beneath, Submarine Patrol, reprendront partiellement ce type d'intrigue, et d'autres films suivront, donc The long voyage home...).

Pour l'anecdore, c'est l'un des nombreux films pour lesquels Marion Morrison a joué le cachet chez Ford en attendant qu'on lui confie de meilleurs rôles: ce sera chose faite avec The big trail cette même année, mais ce sera sous le pseudonyme de John Wayne. On verra aussi un des complices de la première heure à la Fox, le grand J. Farrell MacDonald, caution Irlandaise oblige, un vétéran qui savait se mouiller, c'est le moins qu'on puisse dire.

 

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Published by François Massarelli - dans 1930 Muet John Ford Pre-code *
24 septembre 2023 7 24 /09 /septembre /2023 16:02

La région de Boston, deuxième moitié du XIXe siècle. Dans une communauté de bord de mer, très rigoriste, Anson, un jeune homme rentre du séminaire, très attendu aussi bien par sa famille, qui ne sont pas du tout des gens qui se laissent aller à la fantaisie, que par sa fiancée... Il déçoit, quand toute la communauté le voit, débraillé, sur le bateau, manifestement heureux au milieu des marins... Mais ils seront encore plus décontenancés par son attitude lorsqu'un naufrage apportera sur le rivage une survivante, une femme qui tous identifient immédiatement comme une prostituée. Anson, en effet, retient des leçons de l'évangile qu'il faut secourir son prochain mais la communauté très pointilleuse ne veut pas le suivre. On commence à parler de lui refuser de devenir le prochain pasteur, et sa fiancée lui fait comprendre qu'elle désapprouve sa conduite...

En compagnie de la jeune femme qu'il a recueillie, il prend la mer... 

On identifiait clairement Lars Hanson, acteur Suédois flamboyant qui avait fait la traversée vers les Etats-Unis, aux personnages de prêtres et pasteurs tourmentés, qu'ils soient défroqués (Gösta Berlings Saga, de Mauritz Stiller, 1924), ou juste pêcheurs (The Scarlet letter, de Victor Sjöström, 1926)... La MGM, il est vrai, aimait à recourir au stéréotype, qu'on appelait typecasting... Mais l'acteur avait justement une intensité dans son jeu qui n'était pas que physique. Ce film est un peu dans cette catégorie de "véhicule" construit auour d'un personnage et de son interprète, mais il est plus qu'intéressant, d'abord parce qu'il ne se contente en rien de recaser une formule, ne ressemblant en rien aux films déjà cités, ou même à Flesh and the devil (sorti quelques mois plus tôt) de Clarence Brown, dans lequel Hanson jouait un rôle important aux côtés de John Gilbert et Greta Garbo. Hanson déploie de la plus belle façon son jeu de personnage en butte à l'intolérance de sa communauté, et partagé entre spassion spirituelle (symbolisée par la virginale Marceline Day) passions humaines (ici, c'est Pauline Starke, mais aussi Ernest Torrence dans un rôle anthologique de capitaine obsédé)...

Bess Morgan, la prostituée, est un personnage riche et passionnant. Quand elle est secourue, elle a déjà tout le poids d'une vie de rejet, et n'est pas avare de révélations: son beau-père l'a violée, elle a eu un enfant, "heureusement qu'il est mort", dit-elle... Quand elle est menacée de consommation pure et simple par le capitaine du bateau qui s'introduit dans sa chambre, elle lui signale qu'elle a le droit de disposer de son prore corps. Entre l'aspirant prêtre épris de tolérance et la fille perdue, une sorte de complicité presque platonique (leur affection commune ne sera pas consommée) s'établit, qui passe d'ailleurs par une scène dans laquelle le jeune homme, sans faire de chichis, la déshabille après qu'elle ait été secourue et la place dans son lit pour lui frictionner les pieds. C'est le regard concupiscent des autres qui transformera cet acte en une transgression... Une scène que Frank Borzage n'aurait pas dédaigné et je vous prie de le croire, c'est un compliment! Et la fin du film, qui voit le serviteur de dieu et des hommes veiller le corps mourant de celle qui est devenue son amie, est profondément poignant.

Cette histoire aussi suprenante que distrayante est mise en images par un vétéran qui n'a jamais a priori été beaucoup plus qu'un artisan, solide mais sans génie apparent. Ici, pourtant, il fait preuve de métier, et son film tourné avec énergie montre de beaux moments d'invention, tels une bagarre dans les cordages d'un bateau, des séquences situées dans les cellules d'un bateau-prison, et le comportement de Torrence, en capitaine violeur, donne lieu à d'inquiétantes scènes où la photo intensifie une atsmophère parfaitement rendue... Pauline Starke joue de son corps et de toute son énergie un personnage qui se tient à l'écart des filles perdues du cinéma muet Américain... Bref, c'est clairement une excellente surprise que ce film rare.

 

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Published by François Massarelli - dans Lars Hanson Muet 1927 *
16 août 2023 3 16 /08 /août /2023 18:16

La carrière de Sterberg commence avec un film que d'aucuns pourraient qualifier d'expérimental, voire d'amateur. Les "stars" en sont George K. Arthur et Georgia Hale (The Gold Rush), ce qui explique peut-être le soutien de Chaplin à un film qui très honnêtement ne devait pas beaucoup attirer la profession à l'époque des studios. C'est par le biais de United Artists que le film a été finalement distribué nationalement.

Le film conte les "mésaventures" de marginaux dans une zone portuaire, un homme ("the boy", George K. Arthur), qui vit au milieu des restes de naufrage et de la boue drainé par les bateaux qui draguent incessament le port; une femme ("the girl", Georgia Hale), qui traine dans les mêmes eaux, garde une certaine dignité qui passe pour de la froideur. Elle oppose une certaine passivité à tout ce qui passe autour d'elle. Ils sont rejoints par un jeune garçon ("the child", Bruce Guerin), un orphelin qui a été secouru d'une correction par une brute épaisse par le héros. 

Ils décident de quitter les environs du port pour se rendre en ville et atterrissent dans un taudis où ils prennent un appartement ensemble. Mais leur logement est tout proche d'un bordel, et quand l'homme cherche du travail, la menace pèse sur la jeune femme...

C'est apparemment un mélodrame, mais l'absence d'émotion visible, et parfois l'absence d'action des personnages, sont rares et assez déstabilisantes. Le propos de Sternberg, qui a tourné le film dans des conditions proches deu système D absolu, étaient de photographier la pensée. On comprend ce qu'il voulait dire quand on voit la façon dont il multiplie les plans statiques, mais il fait aussi une utilisation inventive du décor et des accessoires, montrant par exemple un proxénète adossé à un mur, avec un porte-manteau du plus mauvais goût qui lui dessine des cornes...

Le film ne manque pas d'humour non plus, comme ce plan des trois "héros" qui sont vautrés les uns sur les autres, impassibles, immobiles, avec un cadre au dessus de la tête, qui clame "Home sweet home"... mais il est de travers.

Mais ça reste une vision inconfortable, un film qui s'échappe en permanence des entiers battus. Sternberg y fait la preuve d'un talent évidet dans la composition, et d'une capacité à exploiter le décor, mais l'ensemble reste statique et très énigmatique... Mais tout le film tend vers une résolution qui viendra du fait qu'à un moment, George K. Arthur prendra la bonne décision, au bon moment...

Cette originalité quasi suicidaire n'a pas empêché Chaplin d'y voir bien plus... Il a non seulement fait en sorte que le film soit distribué pour être vu par le plus grand nombre (ce qui n'a pas été le cas) et a engagé Sternberg dont il souhaitait produire un film. Ce sera The Woman of the sea (ou The seagull?) qu'il devra détruire par décision de justice. Non seulement la carrière de Sternberg commençait, mais ses ennuis aussi...

 

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Published by François Massarelli - dans Josef Von Sternberg Muet 1925 *
26 juin 2023 1 26 /06 /juin /2023 19:15

Sorti après son spectaculaire Enfant de Paris, Le roman d'un mousse est une preuve de plus de la maîtrise dont faisait preuve Léonce Perret avant la première guerre mondiale, et de la place qui fut la sienne au sein de la Gaumont: il est évident qu'il bénéficiait pour ses productions mélodramatiques de moyens à  la mesure de ses ambitions... Le scénario de ce nouveau mélodrame d'aventures est basé sur une intrigue très bourgeoise, dans laquelle un marquis ruiné, associé à un banquier sans scrupules (Sur lequel, hélas, je reviendrai plus loin), se marie à une comtesse fortunée. L'idée est bien sur de se débarrasser de la belle après avoir éloigné son bambin afin de faire main basse sur sa fortune; pour se débarrasser de l'enfant, le banquier se propose de jouer son percepteur le temps de la lune de miel, et de faire croire à une fugue, en laissant une lettre dans laquelle le gosse annonce s'être enfui. Puis, le banquier Werb place le gamin sur un bateau ou il sera ensuite brutalisé parle capitaine. Pendant ce temps, le marquis tente de tuer son épouse mais suite à une maladresse se tue lui-même... la comtesse est accusée du meurtre. Le mousse parviendra-t-il à la disculper à temps?

On le voit, les péripéties se situent dans le droit fil du roman populaire, mais Perret est à son aise avec l'installation d'atmosphères idéales: promenade fatale à St-Malo, où le banquier drogue le garçon, scènes sur le bateau ou le gamin est en proie à la tyrannie du capitaine qui lui fait faire tous les sales boulots, intérieurs bourgeois rendus inquiétants par des jeux de lumières, décidément une qualité particulièrement représentée chez Perret, etc... Le film se voit sans aucun déplaisir, même si on n'est pas devant un film aussi beau plastiquement parlant, et aussi avancé que L'enfant de Paris...

Et il y a aussi le problème que je qualifierai de politique: Werb, de son prénom Elie, est un usurier sans aucun scrupule, un banquier de la pire espèce, qui n'a aucune humanité. Encore une fois, faut-il en accuser le metteur en scène, ou faut-il s'en prendre à Gaumont, dont les idées conservatrices n'ont jamais été un mystère? quoi qu'il en soit, cette trace d'antisémitisme, aussi discrète soit-elle, est un défaut irritant dans ce qui reste une oeuvre accomplie, un film à voir donc d'un metteur en scène qui mériterait d'être plus remis sur le devant de la scène...

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Published by François Massarelli - dans Muet 1913 Léonce Perret *
26 juin 2023 1 26 /06 /juin /2023 16:25

Ce film de 1912 interprété par Léonce Perret, Suzanne Grandais et Emile Keppens est une merveille, d'abord en lui-même, ensuite parce qu'on peut y déceler la création d'un genre, qui aura sur le cinéma de Gaumont d'abord, de France ensuite et du monde enfin des répercussions importantes. C'est pour ma part mon film préféré des quelques rares oeuvres de Léonce Perret que j'aie eu la chance de voir, et je dois cette découverte à l'inévitable coffret "Gaumont, le cinéma premier, vol.1", sorti en 2008, qui contenait 13 films de Perret.

Le principal apport de ce film , qui n'est sans doute pas le premier à le faire, mais qui fait partie d'un genre en plein développement, c'est de donner à voir un style de films de mystère, à vocation policière, dans lequel les balbutiements du cinéma de suspense sont intégrés, sans pour autant qu'il faille y voir la dette à Griffith. l'histoire racontée est celle d'un héritage qui tourne mal: Suzanne (Grandais) hérite de son vieil oncle, et son cousin Fernand de Kéranic (Perret) qui est nommé son tuteur deviendra automatiquement le légataire universel au cas ou la jeune femme décéderait ou serait frappée de folie. Fernand souhaite épouser la jeune femme, car, on l'apprend très vite, il a de sérieuses dettes. Mais celle-ci est amoureuse et fiancée, et Fernand a tôt fait de trouver un stratagème pour se débarrasser en même temps de l'amant et de sa cousine... ce qu'il n'a toutefois pas prévu, c'est que les deux tourtereaux puissent survivre, quoique sérieusement traumatisés par le traitement qu'ils ont subi aux "roches de Kador", mais aussi que l'on fasse appel à un traitement psychologique révolutionnaire, avec  projection d'un film, pour établir la vérité en provoquant une catharsis...

Derrière cette trame feuilletonesque, se trouve une intrigue à cheval entre deux mondes: les personnages sont bien sur des bourgeois et des aristocrates, des oisifs, sans qu'aucun jugement ne soit porté à cet égard, mais l'intrusion du crime spectaculaire d'une part, et du cinéma comme méthode térapeutique d'autre part, nous renvoient à ce bon vieux 20e siècle. Le film par son sens du spectaculaire photogénique anticipe sur les feuilletons de Feuillade, qui ont commencé dans le sillage de ses 5 Fantomas commencés l'année suivante. La scène selon moi la plus mémorable est celle qui voit Fernand, qui a convoqué le fiancé aux "roches de Kador" après avoir drogué Suzanne, laissée pour morte sur la plage, tirer sur le malheureux, dans un plan qui est pris de point de vue de Fernand, dissimulé derrière les rochers, avec sa victime en contrebas. dans cette séquence, Perret qui a construit la scène avec une grande lisibilité nous entraîne dans le suspense avec ses champs contrechamps. Le suspense ici tient au fait qu'on sait que Fernand a un projet et qu'il a fait venir l'autre homme, tout ce qui nous reste à découvrir, c'est le mode choisi pour son crime. A un suspense de bon aloi, il ajoute donc une violente surprise...

Les scènes de thérapie, rendues dramatiques par un jeu magnifique sur l'obscurité, jouent bien sur sur l'objet cinématographique; la personne qui va regarder un film, à savoir Suzanne, afin de lui faire retrouver la mémoire, est d'abord isolée dans un halo de lumière, étant de fait désignée comme notre cible à nous spectateurs. Cette personne qui est le centre d'un film va regarder un autre film, découvrir la vérité, et revenir à la raison. La mise en abyme est soulignée non seulement par la mise en lumière de la spectatrice, mais aussi par l'obsédant écran blanc qui envahit une bonne partie du cadre, contrastant avec la longue chevelure noire de la jeune femme. la séquence est étrange, visuellement très forte, et franchement inoubliable.

Une dernière chose concernant ce film qui aspire au respect, et qui nous est transmis dans une magnifique copie: une scène fera sans doute sourire les plus indulgents d'entre nous, lorsqu'on nous dit que'une barque dérive au large, sur la mer déchaînée, et que l'on voit un bateau qui est manifestement échoué sur le fond sablonneux de ce qui est évidemment une plage, on va forcément tiquer. Mais quelle proportion des spectateurs de la plupart des grandes villes françaises en 1912 et 1913 qui ont vu ce film étaient déjà allés à la mer? Combien étaient en mesure de déceler la supercherie? ce qui apparaît aujourd'hui comme une naïveté est juste le rappel qu'en matière de film, il est parfois utile de ne pas en savoir trop, il faut se laisser aller, et permettre au film de prendre le pouvoir. C'est l'une des leçons de ce film essentiel, qui en plus d'être beau à tous points de vue, possède un titre, franchement, qui ne peut que faire rêver.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1912 Léonce Perret *
27 mai 2023 6 27 /05 /mai /2023 11:26

Déjà responsable pour partie d'une adaptation d'un récit de James Oliver Curwood, Back to God's country, l'année précédente, Hartford récidive, toujours sous la supervision de Curwood, avec un film qui reprend beaucoup de la recette... Mais sans l'actrice nell Shipman.

Dans le grand nord Canadien, en pleine forêt, un drame se joue: alors que Nanette Legrand (Betty Blythe), la fille d'un pionnier malade, attend le retour de son fiancé Raoul (Lon Chaney), le principal employeur de la région décide de céder au caprice de son fils, qui veut épouser la jeune femme. En tout cas, il la veut, tout court, et il est prêt à tous les stratagèmes, y compris à prétendre avec un copain que ce dernier aurait assisté à la mort de Raoul... La mort dans l'âme, elle se résigne à épouser l'affreux rejeton (Francis McDonald), mais c'est le moment qu'a choisi raoul pour revenir...

Il va y avoir de la bagarre en effet, et Raoul tuera involontairement un des hommes qui lui ont fait du tort, permettant l'irruption dans l'intrigue d'un officier de la police montée (Lewis Stone): amoureux de Nanette, lui aussi, mais au moins c'est un brave homme... Outre la police montée, absolument toutes les cases attendues sont cochées, à l'exception de la neige, qui jouait un rôle spectaculaire dans Back to God's country: cabanes en rondins, grands lacs, canots d'inspiration amérindienne, ours, mocassins, chemises à carreaux... Lon Chaney joue un rôle relativement secondaire qui donne parfois l'impression d'avoir artificiellement gonflé au montage, ce qui nous rappelle qu'il était en pleine ascension...

Betty Blythe n'est pas Nell Shipman, et elle n'a pas un rôle très gratifiant: d'une part elle qui était habituée aux rôles "historiques" (les guillemets ont leur importance) et aux costumes (et parfois absences de) de reines antiques, est assez peu crédible en fille de la forêt, mais elle a au moins une scène dans laquelle elle prend en main son destin et c'est sans doute le meilleur moment du film, qui pour le reste est du mélodrame sans grande imagination, qui tend à répéter la formule du film cité plus haut... Lon Chaney, quant à lui, est d'ailleurs peu convaincant en brave trappeur, avec, je tremble de l'écrire, un sourire niais: un personnage fade qui reviendra dans The Trap.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1920 Lon Chaney *