Un ami de Roderick Usher se rend dans la maison de ce dernier, pour vérifier si tout se passe bien chez lui: il a entendu des nouvelles alarmantes... Et c'est vrai que ça ne va pas fort: le maître de l'horrible maison, perdue au milieu des marécages, se perd dans une folie furieuse, s'acharnant à peindre le portrait de sa femme comme l'ont fait ses ancêtres... Mais plus il la peint et plus l'original s'étiole. A la fin elle s'écroule, morte... Mais le portrait a plus d'un tour dans son sac.
Soutenu par Gance, dont la compagne Marguerite interprète ici le rôle de Madeline Usher, Epstein s'est jeté à corps perdu dans toutes les expériences de cinéma possible, pour déboucher sur une prouesse embarrassante: avec des moyens cinématographiques et poétiques considérables, et un sujet pour une histoire de fantômes en or massif, il a en une heure, pas plus, commis l'un des films les plus ennuyeux que j'aie vus. Et s'il fallait le passer à une autre vitesse, pour commencer?
Stephanie Cleland (Marion Davies) a été adoptée au début de son adolescence par le riche John Cleland, qui avait aussi un fils du même âge. Devenus adultes, ils passent beaucoup de temps ensemble, mais Jim ne voit pas que "Steve", comme tout le monde l'appelle, est en fait amoureuse de lui. Quand John meurt, il envoie par testament son fils faire des études à l'étranger, et laisse Steve sous la responsabilité de son avocat. Le fils de ce dernier, Oswald, est un sculpteur qui vit dans une opulence bien louche, mais il est surtout amoureux de la jeune femme. Un jour, les circonstances font qu'ils sont obligés de se marier... Une nouvelle qui bouleverse Jim...
Bon, là il convient de rappeler les faits: nous sommes en 1920, et certains états sont encore à l'âge de pierre, c'est à dire très religieux: un homme et une femme dans la même chambre d'hôtel ne sortiront que mariés l'un à l'autre! Et une série d'enchaînements embarrassants font que non seulement ils sont dans la même chambre d'hôtel, mais en plus ils sont nus sous leurs couvertures! Et pourtant, rien n'est arrivé... Fin de la parenthèse crypto-ethnologique.
C'est un film mi-figue mi-raisin de Marion Davies: d'un côté un personnage et un tempo qui poussent vers la comédie, et l'actrice prête toute son impétuosité à cette "Steve" qui chamboule le coeur des hommes malgré elle; de l'autre, un mélodrame au parfum de scandale qui se réfugie parfois dans une fiesta crapuleuse telle qu'un DeMille l'aurait imaginée, pour sortir de l'ornière gênante de la question obsédante: bon elle est adoptée, alors... Inceste, ou pas inceste? Sinon, Hearst a poussé le film, qui aurait pu être un simple et élégant mélo vaguement baroque, vers des excès et un udget qui a certainement explosé en plein vol: voir les décors de certaiens scènes, dont la "party" "à la romaine!
Deux genres qui s'affrontent dans une arène, ce devait être le quotidien entre l'actrice et son mentor Hearst... Ce dernier partisan des mélos, et Davies attirée par la comédie. Comme chacun sait et pour notre plus grand bonheur, c'et Marion qui a gagné, et dans ce film aussi.
Dans une île du Pacifique, un métis, Henry Shoesmith (Ramon Novarro), fait de sa vie une sieste sans fin, encouragé dans l'indolence par un climat paradisiaque. Mais les colonisateurs ne voient pas les choses de la même façon, et quand l'Américain Henry Slater (Donald Crisp) débarque, il va essayer de raisonner Shoesmith. En vain, jusqu'à ce que le jeune homme réalise que la pupille de l'autre homme est cette merveilleuse créature (Dorothy Janis) qu'il a vue dans son bateau... Sous l'oeil désabusé de la prostituée Madge (Renée Adorée), qui en pince pour Henry, celui-ci s'essaie à faire des affaires à l'occidentale pour "séduire" celui qu'il aimerait transformer en son futur beau-père... Mais ce n'est pas ce que Slater a décidé pour sa pupille.
De prime abord, ce film tardif de l'époque muette ressemble d'une part à une exploitation pure et simple de quelques thèmes de White shadows in the south seas, du même réalisateur, qui avait eu u certain succès. Le script fait tout pour opposer l'indolence et la douceur de vivre polynésienne, à la rapacité des occidentaux, incarnés à travers la formidable performance de Donald Crisp. D'autre part, c'est aussi sans doute une forme de cadeau fait à Van Dyke qui n'aimait rien tant que de conduire des tournages le plus loin possible du studio, dans des conditions hasardeuses. Le film a été tourné en Polynésie et ça se voit! L'expédition MGM suivante allait le conduire en Afrique pour tourner Trader Horn et des kilomètres de pellicule qui seraient recyclés dans les Tarzan des années 30, dont il a réalisé le premier. Bref: une sorte de petit film pour pas grand chose, qui rendait tout le monde content...
Mais ça va plus loin. Certes, The Pagan n'est pas White Shadows, et les revendications du premier film sont de l'histoire ancienne. La Polynésie du film est sous un contrôle Sino-Occidental bien assumé, et le paradis n'existe plus que dans les têtes, notamment dans celle d'Henry. Novarro est intéressant, parce qu'il joue avec une relaxation évidente un personnage dont la force est précisément son calme et sa philosophie... mais aussi son humour, partagé avec Madge: le personnage de prostituée de René Adorée, qui est formidable dans le rôle, est une clé du film: il y est, en effet, question de sexualité, de sexe et de désir. Dès la première séquence, elle aborde Slater qui lui répond par l'indifférence: on n'a pas l'échange, mais un intertitre seul nous permet de recoller les morceaux de leur conversation hautement censurable: "c'est ça, garde ton argent"... Madge est pour Slater la pire combinaison possible: une blanche qui vend son corps... Car il est raciste.
Le film aussi, vaguement, comme le sont tous ces films Américains situés dans des zones exotiques et qui prennent à témoins les spectateurs, du fait qu'un "blanc" et un polynésien, ce n'est pas la même chose. Pour Slater, Henry a beau être métis, il n'est pas et ne sera pas blanc. Mais dans sa logique, il préfère afin d'éviter que sa pupille ne se marie avec un métis, l'épouser lui-même... Et plus si affinités. Dans une scène très violente, Van Dyke se souvient de Crisp en Battling Burrows, qui assassinait littéralement sa fille (Lillian Gish) à coups de ceinture dans Broken Blossoms de Griffith... Et il joue de l'extraordinaire puissance de l'acteur, qui va lui permettre une superbe ellipse. Slater, c'est le mal, un mal qui se cache derrière un alibi très équivoque: à ceux qui lui demandent si la jeune femme est safille, il répond qu'elle est "son devoir de chrétien"... Mouais.. Elle est surtout une feme polynésienne qu'il a décidé de "blanchir" coûte que coûte! Mais dans ce film, le message du "maverick" Van Dyke est clair: si Henry et Tito, son amoureuse, ont décidé de s'aimer sans passer par l'église, sous le haut patronage d'une prostituée, alors pourquoi pas?
Rien que pour cette largeur d'esprit, on veut bien se coltiner une bande-son qui use et abuse d'une chanson insipide chantée sans conviction par Novarro. Celui-ci, magnifiquement dirigé, est splendide. Dorothy Janis, qui disparaîtra avec le muet l'année suivante, est très bien. Quant à Adorée (elle a vu Sadie Thompson!!) et Crisp, que voulez-vous, ils sont d'une catégorie hors-concours... On apprécier aussi la photo lumineuse de Clyde de Vinna, le complice du cinéaste sur son film précédent.
Pour un premier film, BLIND HUSBANDS est sacrément réussi. Le titre (Maris aveugles) n’est pas de Stroheim lui-même. Selon sa propre version, le cinéaste a essayé d’imposer à la Universal le titre The Pinnacle, mais Carl Laemmle, le patron de la petite firme, a refusé, ayant peur de la confusion avec le jeu (Pinochle). Les crédits sur certaine copies signalent la provenance comme étant The Pinnacle, a play by Erich Stroheim : une pièce très probablement fictive, mais dont la mention permet juste au réalisateur d’apposer son titre de prédilection au film, même d’une manière détournée.
Qu’un producteur comme Laemmle ait accepté de donner sa chance à un réalisateur débutant sur un film d’un genre somme toute sophistiqué reste étonnant, 89 ans après. On se perd en conjectures, et ma théorie, partagée sans doute avec beaucoup, est que Stroheim, qui n’était pas trop gourmand pour avoir le droit de faire un premier film, représentait un pari pas si risqué, et l’opportunité d’une publicité basée sur un acteur d’emblée fascinant, un investissement rentable a priori. De plus, le menu de Blind husbands promettait du sexe et de la sophistication…
L’histoire est celle d’un couple Américain, Les Armstrong, interprétés par Francellia Billington et Sam de Grasse, en villégiature à Cortina d’Empezzo, en même temps qu’un officier Germanique, Erich Von Steuben. Celui-ci tente de séduire la jeune femme, qui résiste. Une autre partie de l’intrigue nous montre Sepp (Gibson Gowland), un guide autrefois sauvé par le Docteur Armstrong, qui va s’acquitter de sa dette en sauvant sa vie.
Le métier dont fait preuve Stroheim est impressionnante; il maîtrise le sens du découpage, et va traiter le drame et le mélodrame en vrai révolutionnaire: Non seulement il donne au triangle amoureux une nouvelle forme (un quasi rectangle amoureux, en fait) mais il utilise virtuellement TOUTES les facettes de ses personnages, les rend complexes, riches et de chair. Ceux-ci ne sont plus seulement cernés d'une phrase, mais atteignent une vérité inédite, sans qu’il y ait nécessairement besoin de tous expliquer par des sous-titres: le style de Stroheim, bien que déjà verbeux dans ses intertitres (Son défaut le plus gênant aujourd'hui, et une manie quasi littéraire) aime à valoriser le détail, en lui donnant du sens. Il se sert des rituels (Notamment militaires, dans l'habillage et le déshabillage et les petits détails de la toilette: fixe-chaussettes, résilles, caleçons...), traditions et manies des personnages, et bien sûr il va plus loin que de demander à ses petits rôles de faire de la figuration : un couple de second rôles en lune de miel va participer au drame à la fin du film en intégrant une équipe de secours, et les servantes sont campées de façon très différenciées (L’une d’entre elles inaugure le cycle Stroheimien des amours ancillaires, dont se souviendra toute sa carrière durant Renoir). Le triangle amoureux (Et, donc, rectangle) est complété par Sepp (Gibson Gowland), qui s’interpose de façon très efficace entre Steuben et la jeune femme. Sepp et le docteur font front commun, mais le plus intéressant est le coté rendez-vous manqué: éconduit par la jeune femme, le lieutenant, menacé de mort par le mari persuadé d’être trahi, va malgré tout prétendre l’avoir séduite: le mari, lui ayant promis la vie sauve si il mentait, ne le tuera pas. Cette logique sardonique colore tout le film d’un parfum assez capiteux : on peut bien sûr admirer la puissance du jeu de Stroheim, parfait en ignoble séducteur-matamore, qui prétend tout au long du film maîtriser l’alpinisme, mais finit l’ascension sur les genoux, essoufflé, et titubant. Sam de Grasse a été sciemment utilisé pour son manque de relief, et parce qu’aussi sympathique soit-il, on comprend la tentation potentielle d’aller voir ailleurs… Y compris vers un Steuben, une contrefaçon douteuse. le mensonge et la dissimulation, éternels thèmes Stroheimiens, à la scène comme à la ville.
En plus de sa tentative de complexifier le triangle, Stroheim impose à ses acteurs peu connus un jeu intériorisé, en faisant comme on l’a vu ressortir les rituels, détails vestimentaires, les décors vraisemblables (Bien que tournés en Californie, ce que trahissent les "Alpes" du film). Le réalisateur visionnaire impose à ses acteurs masculins de jouer sans maquillage, une constance de son œuvre… à une exception près. Il en ressort une vérité, un jeu digne qui situent Stroheim plus du coté de Lois Weber ou William de Mille que d'un style histrionique. Mais les actrices ne seront pas toujours aussi bien loties : Il les préfèrera débutantes, ou si possible habituées du burlesque(Maude George, Zasu Pitts, mae Busch, Dale Fuller, Josephine Crowell). Ici, la terne Francellia Billington appartient à la première catégorie.
La réputation de grand méchant cynique dont souffre Stroheim-réalisateur n’est pas compréhensible : certes, il est question ici de coucherie, de tromperie, de vieux couple qui a besoin de retrouver l’amour, mais l’auteur utilise le contrepoint pour démentir toute accusation de méchanceté : le jeune couple en lune de miel, par ailleurs parfaitement défini comme étant gentiment gnan-gnan, va sortir de son cocon à la fin lorsque une expédition de secours se forme, et la jeune femme va assister Mme Armstrong. Sepp, de son coté, consolide son amitié indéfectible mais conseille son ami de mieux aimer sa femme. A la fin, seul le méchant, par ailleurs bien pitoyable de film, meurt, mais il s’appelle Steuben, un terme qui le rapproche de Sterben, l’infinitif de mourir en Allemand. Les références de Stroheim aux Autrichiens, aux Allemands, et aux aristocrates ne sont jamais loin de la mort, de la fin, d’une évocation d’un monde disparu… Foolish wives couve sous Blind husbands.
A la fin du film, les deux gentils couples s’en vont, Sepp pleure de devoir quitter son ami… Cynique, Stroheim ? Un vrai moraliste, oui! On doit le dire, dans ses films, Stroheim n’aime peut-être pas tous ses personnages, mais ceux qu’il apprécie, il a décidé de nous le faire partager…
Le film a remporté un gros succès, qui bénéficiera à tout le monde : Laemmle aura prouvé que la Universal ne fait pas que des petits films de rien du tout, et Stroheim a prouvé qu’il était un metteur en scène. La firme n’était donc pas près de le lâcher…
Il existe pour finir deux versions du film, toutes deux disponibles en DVD: la version intégrale sortie en salles en 1920 a disparu de la circulation, et pendant un temps toutes les copies disponibles étaient des variations sur la version ressortie à la fin des années 20, et amputée d'une vingtaine de minutes. C'est l'édition Américaine, par exemple distribuée par Kino. Une autre version, tirée de la même source que la version Américaine d'origine (et donc du négatif original) a été retrouvée en Autriche en 1982: c'est une version plus longue que l'Américaine, mais son montage est différent, beaucoup de plans sont plus longs. A la base pourtant ce sont les mêmes séquences: aucun événement supplémentaire en vue. Les intertitres sont en Allemand et tempèrent la "couleur locale" Autrichienne voulue par Stroheim. Donc c'est une meilleure version en terme de montage strict, mais elle n'est pas "la version initiale" voulue par Stroheim et la Universal en 1919...
Tourné après Her sister from paris par la même équipe (Le scénariste Hans Kräly, le réalisateur Sidney franklin, et l'actrice Constance Talmadge), ce film est à nouveau une pétillante comédie dans laquelle la bonne humeur et l'exubérance triomphent, tout en surfant sur les non-dits d'une situation très boulevardière: Constance Talmadge est Marian Duncan, une danseuse Américaine de passage en Russie qui fait chavirer les coeurs de deux hommes: le Lieutenant Orloff (Tullio Carminati), et le Grand Duc Grégoire Alexandrovitch (Edward Martindel). Elle est elle aussi amoureuse du lieutenant, mais celui-ci est sous la coupe de son supérieur le grand duc qui entend bien profiter de la situation. Quant à la Grande-duchesse (Rose Dione), elle sait à quoi s'en tenir, et a décidé d'agir... Provoquant dans une petite auberge une série de quiproquos, de confusions et de portes qui claquent.
La situation est toute entière proche de l'opérette, et on imagine très bien le grand Lubitsch s'attaquer à un tel film, avec son collaborateur fréquent Hans Kräly... Mais une fois de plus, Franklin n'est pas Ernst, et son film, aussi bien fait soit-il, n'offre de grands moments que sporadiquement. C'est bien sûr une comédie hautement recommandable, dont le rythme ne faillit pas, mais on est loin de la mélancolie sous-jacente de Her sister from Paris, qui bénéficiait d'un numéro de dédoublement de personnalité de la star, et bien entendu de la présence de rien moins que Ronald Colman. Ici, au moins, on a quelques marivaudages réjouissants en particulier entre Marian Duncan et le Grand-Duc... Franklin se fait parfois plaisir avec sa science des personnages (il est toujours doué pour les huis-clos à variation dans des situations scabreuses, et le prouve avec sa maîtrise du point de vue dans la dernière bobine), et a eu l'idée d'un très joli plan: en pleine mélancolie, Marian Duncan s'effondre sur un fauteuil et pleure. Par l'immense fenêtre à côté d'elle, on voit une neige insistante et surréelle (éclairée de l'extérieur de la maison) qui enfonce le clou de sa tristesse...
Ce film est une grande date à plus d'un titre: d'une part il est l'un des premiers longs métrages d'un pays qui a bien du mal à exister dans le monde du cinéma, dominé par les Danois, les Italiens et les Français. Ensuite, il est aussi l'invention d'un mythe cinématographique, certes plus ou moins adapté d'une nouvelle de Poe, mais qui va générer sa propre légende, au point de fournir une cargaison de remakes... De là à penser que ce film ouvre la voie à une kyrielle de films fantastiques Allemands, et non des moindres, il n'y a qu'un pas!
Balduin (Paul Wegener) est un étudiant à Prague, matamore et fort satisfait de lui-même: fin bretteur, beau parleur, séduisant, il supporte assez mal le rejet. Aussi, quand une comtesse qu'il a sauvé de la noyade l'envoie paître en raison de son statut social inférieur, il plonge dans le doute. Il écoute la suggestion d'un étrange personnage, Scapinelli, sorte d'incarnation du diable: celui-ci lui garantit la fortune en échange de "tout ce qu'il souhaite prendre" dans l'appartement de l'étudiant. Il prend... le reflet dans son miroir.
Balduin parvient donc à la richesse, et les portes de la noblesse s'ouvrent toutes grandes pour lui. Mais il est suivi constamment, par son double d'une part, et par une mystérieuse Gitane... Les deux seront sa perte.
On est encore dans un cinéma dominé par les tableaux, les plans uniques qui suffisent à une séquence... Le film délaisse les possibilités du montage pour s'intéresser, d'une part, au champ lui-même, qui est systématiquement traité en fonction de l'effet qu'il produira sur le spectateur (exactement la démarche que suivra à la lettre Wiene dans son Caligari 6 ans plus tard); d'autre part, Ewers et Rye s'amusent avec des doubles expositions, permettant au double maléfique de Paul Wegener de faire peur à Balduin, et c'est rudement bien fait... C'est vrai aussi que le film prend son temps, en particulier pour laisser les effets, justement, faire leur petit effet! Mis on a souvent le sentiment d'assister à la naissance d'un grand courant du cinéma mondial, et ça, ce n'est pas rien!
En Californie, la ruée vers l'or va bouleverser la donne, et pour une famille de propriétaires terriens qui vont tout perdre dans un pari idiot, l'arrivée de tous ces étrangers, qui parlent tous Anglais, est vécue come un traumatisme... Pourtant Dermod D'Arcy, le bel aventurier au coeur d'or (George Duryea) va émouvoir la belle et fière Josephita (Renée Adorée) et la convertir à la nouvelle donne... Mais ce ne sera pas facile!
La MGM est arrivée un peu tard dans la bataille des grands films épiques sur la conquête du territoire, d'autant qu'en 1923-1924, l'essentiel a été joué à travers la présence de deux chefs d'oeuvre définitifs: The covered wagon de Cruze en 1923, puis The iron horse de Ford en 1924. Néanmoins la firme du lion a mis en chantier le très beau The trail of 98 qui explorait sous la direction de Clarence Brown, la ruée vers l'Or aux confins de l'Alaska (et était lui-même aux confins du western). Ce film muet tardif avait tout d'un complément de programme sur le papier, mais le confier à Allan Dwan, vétéran encore plus qu'actif, et cinéaste au goût et aux capacités impressionnantes, en a quand même fait une oeuvre formidable...
Certes, on est en plein MGM land, mais Dwan transcende assez facilement le style maison, et s'approprie le cadre de manière impressionnante. Il donne à voir à plusieurs reprises sa vision d'une caméra mobile en mettant en avant le tumulte des boom-towns, avec un lent travelling arrière capté en hauteur, qui donne parfois l'impression d'être un zoom... Il garde un tempo constamment enlevé à son intrigue, et profite du beau visage plastique de Renée Adorée, qui domine sans aucun problème l'interprétation du film. Il utilise aussi à merveille les gros plans pour lui permettre d'exprimer les émotions requises par son personnage de jeune Californienne d'origine Espagnole...
Réalisé entre The iron mask (pour Fairbanks) et The far call (Un film perdu, pour la Fox), c'est aussi son avant-dernier film muet, et sans doute le plus spectaculaire des films muets de la MGM produits cette année-là, avec l'étrange The mysterious island, bien entendu...
Au seizième siècle, lors d'une pause dans les guerres de religion, une dame de la cour, Isabelle Ginori, se fiance à un noble catholique, Henri de Rogier. Mais elle est convoitée par un seigneur protestant trouble, aux fréquentations interlopes, et à la morale douteuse: celui-ci intrigue auprès de la régente Catherine de Médicis pour avoir ses chances auprès d'elle, et obtient de la mère du roi l'idée d'un défi: un combat entre les deux homes, dont l'enjeu serait la main d'Isabelle...
Reprenons les mots définitifs prononcés par Max Ernst, en chef des bandits dans L'âge d'or: "Quelle salade!"... Il est fort probable que Renoir n'avait pas la folle envie de tourner ce film, pas plus d'ailleurs que Marquitta (aujourd'hui perdu) et son dernier muet, Le bled. Mais en aspirant cinéaste professionnel (ce qu'il croyait qu'il allait être un jour, comme quoi tout un chacun peut se tromper), il avait de bonne grâce accepté ces missions... ca part pourtant de bons auspices: la compagnie qui a produit ce Tournoi est la même qui avait officié sur Le miracle des Loups, et sur Le joueur d'échecs. Deux fantaisies historiques effectuées avec rigueur par Raymond Bernard. D'ailleurs les remparts de Carcassonne, un décor déjà utilisé pour Le miracle, allaient être repris aussi bien pour ce film que pour la production de La vie merveilleuse de Jeanne d'Arc, de Marco de Gastyne... Les costumes montrent un certain savoir-faire, aussi, alors?
Eh bien, honnêtement, où se trouvait Renoir durant le tournage? Qui a cadré ce film? Certes, en bon cinéphile, Renoir a du voir dans certains films de Griffith mais aussi dans Metropolis, ces plans où l'action importante est dans le fond, derrière ce qui normalement à l'arrière-plan. Des occasions pour les cinéastes de cimenter l'impression de réalité... Il tente de reproduire cet effet à plusieurs reprises et se plante généreusement, donnant l'impression qu'on a monté bout à bout des rushes des répétitions. L'action se traîne (en cause, certainement, la lenteur du défilement choisi pour le transfert), et que dire de ces moments à faire, où un gros plan bien senti aurait fédéré un peu plus les spectateurs à ce spectacle ennuyeux? Par exemple, au moment où l'abominable traître vient de tuer un homme et essuie le sans sur son épée avec les cheveux de sa maîtresse, appelait une implication de cadre et de montage, qui est ici absente. En lieu et place: un plan général, vite fait mal fait, hop! Les préparatifs du tournoi sont autant de plans qui semblent avoir été tournés par un amateur pendant une parade d'une attraction équestre quelconque...
Renoir, sans doute, savait ce qu'il faisait, la preuve nous en est apportée par la façon dont il a traité la découverte d'un cadavre, partie importante de l'intrigue mais qui a été jetée par dessus les remparts en même temps que l'infortuné personnage. L'épisode est, là encore, traité en un seul plan: des soldats arrivent, en une grappe grossière. Ils voient le corps, et tous lèvent les yeux vers le haut des remparts: effet comique assuré.
Je suppose que ce comique est volontaire, sinon, je soupçonne que le metteur en scène de ce film a aussi peu de talent, que, disons, l'acteur abominable qui gâche certaines séquences de, au hasard, Partie de Campagne, La bête humaine et La règle du jeu... Un certain Renoir, Jean.
La jeune Else (Elizabeth Bergner) part en vacances avec des amis, à St Moritz. Sa beauté et sa fraîcheur, dans la petite station de ski en effervescence (ce sont les jeux olympiques d'hiver) ont attiré l'oeil d'un ami de son père, Von Dorsday (Albert Steinrück)... Pendant ces vacances, son père apprend qu'il est ruiné suite à un coup en bourse mal négocié. Les parents envoient donc à leur fille une lettre où ils lui supplient de demander un prêt à leur "ami". Celui-ci accepte, à une condition: voir la jeune femme nue...
Le film prend son temps pour arriver à ce stade: les vacances et leur douceur de vivre, mais aussi le statut particulier d'Else dans la famille, une jeune adolescente insouciante et heureuse de vivre, qui est adorée par les domestiques (une scène au début montre les convives d'un dîner se boucher les oreilles quand le maître de maison se met au piano, et quelques instants plus tard les domestiques tendent l'oreille quand Else lui succède...). a perspective des vacances l'enchante légitimement, et la caméra véloce et mobile de Karl Freund s'insinue dans chaque pièce, à la suite de la bondissante demoiselle...
Tout n'est pas réussi: la scène de la découverte de la ruine par les parents sonne juste mais est trop longue, et de fait, on aimerait rester plus longtemps en compagnie de l'héroïne. Mais une fois la cruauté de sa situation connue, tous les efforts précédents paient. En effet, dans ce film où tout va se résoudre dans un déshabillage crapuleux et profane, le quotidien et une certaine dimension innocente de la jeune femme nous ont été détaillées, en particulier les efforts pour s'habiller, entre une robe de mousseline, qui soulignait sa jeunesse, les habits adéquats pour faire du ski... Et pour finir les atours d'une jeune femme, pour aller quémander une aide. Le film nous montre ces habillages comme en écho d'une nudité que nous ne verrons jamais vraiment, mais qui est le centre du fil, dans une scène extraordinaire et d'une grande tristesse.. Le film est inspiré d'une nouvelle de Schnitzler, il est inutile de dire que l'ironie domine, et que ça ne se terminera pas bien...
Quant à Elizabeth Bergner, décidément après Le violoniste de Florence, on pourrait croire qu'elle aimait à interpréter les jeunesses... Mais c'est en phase avec son physique étonnant, et ce film n'en finit pas de nous convaincre, elle n'est pas Mary Pickford. Cette ironique et méchante initiation express est un conte d'une grande noirceur.
Un "single standard", c'est le fait de réclamer l'égalité absolue en terme de conduite, pour tous les membres d'un groupe. Appliqué à l'humanité, ça revient donc à revendiquer les mêmes droits de liberté et de séduction pour les femmes que les hommes. Le film étant nommé ainsi, il était derechef considéré comme louche par la censure, et promis à un beau succès.
Ce n'est pourtant pas un chef d'oeuvre, loin de là: Arden Stuart souhaite trouver l'âme soeur chez un égal, mais sa première tentative sera désastreuse: quand un chauffeur sera viré pour avoir fricoté avec elle (elle était consentante, bien entendu), il se suicide... Elle décide de rester farouchement indépendante, jusqu'à ce qu'elle rencontre l'ancien boxeur, peintre et playboy Packy Cannon (Nils Asther), elle est intriguée et ils partent pour les mers du Sud sur un coup de tête... Packy se lasse: quand ils reviennent, elle doit faire face au scandale...
C'est un catalogue de toutes les situations se voulant scabreuses, agrémentées d'un romantisme de pacotille. Garbo joue une caricature probable d'elle-même et le film s'abîme dans la dernière partie, quand elle devient mère d'un abominable enfant 100%Américain, avec boucles blondes et tout et tout. Et si on oubliait ce film?