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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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18 août 2023 5 18 /08 /août /2023 21:54

1979, dans le Sud. Une équipe de cinéma très fauchée arrive sur une petite ferme pour y tourner un film pornographique; le couple qui leur loue les lieux est assez glauque... surtout Pearl, la dame (Mia Goth), qui invite Maxine (Mia Goth), l'une des stars, à boire une citronnade mais n'a rien à lui dire, si ce n'est d'exprimer une certaine jalousie, et d'esquisser un geste de désir. Mais Howard (Stephen Ure) est lui aussi réticent à recevoir les nouveaux venus.

L'après-midi, Pearl espionne les scènes tournées par l'équipe, et retourne chez elle où elle prie son mari de la prendre dans ses bras... Pendant ce temps l'équipe a des soucis: le caméraman/directeur de la photo/réalisateur (Owen Campbell) est venu pour "faire de l'art" en compagnie de sa petite amie preneuse de son, Loraine (Jenna Ortega)... Mais celle-ci est rejetée par l'équipe, avant d'exprimer le désir de tourner une scène. RJ, le caméraman, s'exécute puis part, furieux...

Il est tué... Puis d'autres meurtres auront lieu sur la ferme de Pearl, la vielle dame si désireuse de ressentir les frissons de sa jeunesse, et de son mari si prévenant envers elle, mais si terriblement traditionnaliste, qui ne voit pas d'un très bon oeil, ces citadins envahir sa ferme, ni sa femme lui faire des avances sexuelles, à leur âge.

C'est un cas d'espèce: un film qui aurait tout d'une parodie, et qui exploiterait en prime à la fois les bas-instincts sadiques des amateurs de film d'horreur (versant slasher film des années 70) et ceux des voyeurs amateurs de films pornos (versant micro-budget, tourné en 5 minutes dans une grange)... Mais en lieu et place, une sorte de contrat étonnant s'établit entre le film et les spectateurs, d'abord par le choix de commencer par le lendemain des meurtres: dès le départ, on sait à peu près où ça va...

C'est bien un film de terreur, lent et méthodique, mais pas sans humour, ni rigueur, en témoigne une étonnante scène troublante et géométrique: Maxine, star en devenir du moins l'escompte-t-elle, attend son tour pendant que sa copine tourne une scène avec la star masculine. Elle se rend près d'un étang, où elle décide de se baigner. La caméra s'éloigne, mais on verra qu'elle n'est pas passée inaperçue: non seulement la silhouette de Pearl est là qui l'espionne, mais un très gros caïman l'observe et alors qu'elle flotte au milieu de la mare, il commence à se diriger vers elle... C'est l'une des premières scènes de suspense, elle est d'une lenteur exemplaire.

Toutes les autres sont motivées par la frustration, la solitude affective de Pearl. Quelle qu'en soit la raison, et on imagine que le film suivant de la trilogie (Pearl) nous l'expliquera, elle ne peut voir arriver ces jeunes gens tous actifs sexuellement mais motivés par d'autres raisons que l'amour, sans en ressentir désir, frustration, et même une profonde jalousie.

L'idée d'avoir confié à la même actrice le rôle d'une actrice pornographique, et celui d'une vieille dame homicide met curieusement en avant la notion d'âge comme étant un vecteur de fierté et de bien-être dans l'exercice de la sexualité. C'est la raison qui poussse Pearl à désirer Maxine, un désir qui culmine dans une scène de rapprochement corporel inattendu... Une façon de mettre en avant une situation qui dépasse le simple cadre de la terreur gratuite pour offrir une vision cauchemardesque du fait de vieillir...

C'est aussi un portrait de l'Amérique, à travers son âme damnée, le Sud, qui décidément ne tourne pas rond, faisant cohabiter dans la même décennie les pires turpitudes sur les écrans, et dans les fermes au bord des bayous, les passions bizarres et arriérées des gens. Mes mots sont durs? Pensez attaque du Capitole, et vous verrez que finalement, je n'exagère pas. En contrepoint de ces meurtres et de ces scènes de tournage (pas trop précises, ni explicites), le cinéaste montre souvent une télévision qui diffuse les élucubrations d'un télévangéliste, qui prèche agressivement une bonne parole dangereuse... Amusant, d'ailleurs, de constater que la scène la plus agressive sexuellement parlant, et sans doute la plus explicite, est une scène de sexe entre les deux vieillards, "vécue" par Maxine qui s'est cachée sous leur lit...

Car il fallait quand même un certain humour pour confronter une équipe de tournage porno, avec un couple de cinglés frustrés du Sud. Le film, plutput rigoureux et réussi, inaugure donc une trilogie qui explorera cette veine criminelle, si prégnante dans le cinéma des années 70, tout en rendant pas si discrètement hommage à quelques classiques, de façon furtive. On pense à Carpenter, voire Kubrick et Hitchcock...

Mais eux n'avaient pas forcément besoin de tourner deux autres films après The Shining et Psycho. La trilogue se justife-t-elle? Réponse plus tard...

 

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Published by François Massarelli - dans Ti West Boo!
18 août 2023 5 18 /08 /août /2023 16:05

C'est sûr, il ne s'arrête jamais; comme Roald Dahl lui-même ne s'arrêtait jamais, faisant en permanence un passage entre les siècles par une oeuvre féconde et sans limites dans son imagination, et permettant aussi un passage entre le monde de la fiction pour les enfants et celle, plus codifiée et nettement moins permissive, des adultes... Et c'est là un autre paradoxe entre le Gallois et l'Américain: leurs oeuvres transcendent les limites d'âge, et avec eux on en prend pour une vie entière. Raison de plus pour accueillir un nouveau film de Spielberg comme une nouvelle compagnie indispensable. De prime abord, ce qui peut éventuellement gêner, c'est d'ordre esthétique: ce film qui invente un monde repose donc sur les effets numériques et l'animation 3D... Et ces derniers temps, l'animation 3D, elle ne s'arrange pas! Pourtant on échappe largement au désastre ici, avec une esthétique qui réussit à la fois à rendre hommage à Quentin Blake, sans chercher à l'adapter au réalisme graphique en vigueur. C'est une réussite...

The BFG raconte la rencontre improbable entre Sophie, une jeune orpheline qui vit dans une institution où elle est seule à mourir d'ennui, dans l'Angleterre des années 80, Et un géant qui vit au pays des géants, pas mieux loti qu'elle du reste: Sophie n'a pas d'amis dans son orphelinat, ou elle passe ses journées à ne pas se faire voir, et nous n'assisterons à aucune interaction avec qui que ce soit, à part sans doute un chat roux, qui comme tous les chats roux est bien gentil, mais possède quand même son monde à lui d'abord et avant tout; et le géant, lui, est seul, car il est trop petit et rejeté par les autres, et en prime, il ne mange pas d'êtres humains. Pire: étant seul, il en recherche la compagnie, mais... c'est dangereux pour les petits humains, de fréquenter un géant certes gentil, mais qui cohabite avec des cannibales...

Ou des "Cannes-à-balle", pour reprendre le vocabulaire très particulier des géants, qui n'ont qu'une compréhension intuitive et un peu déformée du langage des êtres humains. Sophie, cela va sans dire, va être une rencontre importante dans la vie de celui qu'elle ne tardera pas à appeler BFG, ou "big friendly giant"(BGG, bon gros géant, dans la langue française)... Importante pour elle qui va découvrir la complicité, et pour lui qui va enfin (re) découvrir la tendresse. Le "couple" étrange formé par Mark Rylance (modifié par ordinateur) et la petite Ruby Barnhill fonctionne très bien... Comme souvent chez Dahl, mais aussi chez Spielberg, on obtient une leçon de vie...

...avec des bulles.

Même calibré pour rester visible dans le cercle familial, c'est un enchantement, tout bonnement. Spielberg fait ici une synthèse de son oeuvre, revisite les situations de nombreux de ses films (E.T. bien sur...), et réussit aussi à reprendre une partie du dispositif de Hook, soit la confrontation entre le monde réel et l'imaginaire, mais sans tomber dans les mêmes travers. Il s'inspire, pour la partie animation, des meilleures oeuvres des ateliers Disney, époque Fantasia, et la prouesse est que réalité et animation (Parfois très abstraites, comme la représentation des rêves) s'intègrent parfaitement... Sa mise en scène, une fois de plus centre sur le regard et le pouvoir de dépassement des images, mais aussi sur un suspense maîtrisé comme d'habitude, nous livre une fois de plus du cinéma classique, et qui remplit haut la main sa mission: d'une part, adapter sans trahir un classique de Roald Dahl, de l'autre, fournir un film qui réunit la famille. On sait qu'après ça, le metteur en scène est certainement parti dans une toute autre direction, explorer un tout autre genre. 

A noter, une critique très divisée sur ce film: il semble que beaucoup des commentateurs du film l'ont détesté. Le consensus étant que Spielberg se force lui-même et sort de son pré-carré, en s'imitant lui-même... Je ne suis pas de cet avis. Spielberg a la capacité de toucher à tout et de se renouveler en permanence, et ce film qui ne ressemble à aucun autre dans son oeuvre, aussi mineur soit-il (c'était l'idée dès le départ), le prouve.

 

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Published by François Massarelli - dans Steven Spielberg
18 août 2023 5 18 /08 /août /2023 08:55

Pauline (Sandrine Kiberlain) est responsable de la maquette d'un magazine consacré à des enquêtes criminelles, et tout irait bien dans sa vie, s'il n'y avait une rupture particulièrement inattendue et brutale. Elle prend une période de repos, que sa soeur (actrice de série télé) a décidé de transformer en vacances: elle s'apprête à partir pour l'Italie, elle force la main à Pauline pour que celle-ci l'accompagne...

L'hôtel est assez luxueux, sa soeur Jeanne (Audrey Lamy) se met en quatre pour elle, avec son mari Wilfrid qui est compréhensif, mais Pauline se retrouve pour un soir dans une chambre en compagnie d'une dame âgée avec laquelle le courant ne passe pas; mais le lendemain cette dame manque à l'appel... Et comme un serial killer (dont les victimes sont justement des dames âgées) officie dans la rgion au même moment, Pauline se lance dans une enquête délirante, en compagnie d'un employé de l'hôtel...

C'est un film en dehors du temps, qui me semble inspiré de façon évidente par de nombreux aspects du cinéma classique: comédie loufoque Américaine ("Screwball comedy", avec un personnage féminin principal qui mène sa barque à tort ou à raison, et une histoire sentimentale inévitable en embuscade; le cinéma d'Hitchcock, en particulier la veine criminelle légère (The lady vanishes, principalement, a du être dans la tête de Fitoussi quand il a travaillé sur son film, mais on peut aussi penser à To catch a thief pour le côté film criminel balnéaire...); du coup, certains aspects du film renvoient à Charade, de Stanley Donen, qui était lui aussi un démarquage d'Hitchcock; Agatha Christie, et ses débriefings venus de nulle part, mais aussi la série Scooby-Doo (!) ne sont pas loin, d'ailleurs la vieille dame disparue écrit ds romans policiers... et comment ne pas remarquer la palette de couleurs, bolontiers irréaliste, appuyée par la tendance de Sandrine Kiberlain à changer de toilette toutes les deux heures...

Autant de parti-pris qui nous éloignent du réalisme, et qui d'ailleurs sont très critiqués, comme le ton volontirs léger, ou les tendances esthétiques héritées du cinéma classique (l'utilisation de l'iris, par exemple, qui renvoie tout de même au muet...). Donc ce n'est évidemment pas un film qui apporte une révolution esthétique ou narrative, juste une petite oeuvre de circonstance, loufoque (comment, par exemple, une journaliste qui s'ennuie en vient, au milieu d'une enquête délirante, à improviser une tarentelle en compagnie d'un latin lover), pas trop gâchée par les tendances lourdes du cinéma Français à se vautrer dans la vulgarité (mais ça c'est quand même inévitablement le rôle d'Audrey Lamy, qui joue, sans surprise, un être narcissique, lourd et vulgaire), et qui a le bon goût de ne pas considérer cette affaire criminelle comme étant suffisamment sérieuse pour qu'elle soit totalement réglée à la fin.

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie
17 août 2023 4 17 /08 /août /2023 11:12

Eric et Pénélope, Pierre et Aimée, sont amis. Pierre est le patron d'Eric, Aimée est dentiste, et Pénélope adjointe au maire d'une commune (de gauche, semble-t-il). Occasionnellement, ils se retrouvent pour un repas, mais lors d'une de ces occasions, Pierre apprend quelque chose qui l'interpelle: désireux d'adopter un enfant, Pénélope et Eric ont décidé de se marier...

Ce qui interpelle Pierre, c'est que depuis un an environ, il a une liaison enflammée et complice avec Pénélope. Et il ne savait pas qu'ils envisageaient de se marier...

Lors de l'inévitable discussion qui s'ensuit, sur le bateau de Pierre, et suite à la réconciliation tendre qui ne manque pas d'arriver, quand Pierre se réveille, il est dans le corps de Pénélope et vice-versa... 

C'est une tradition, qui existe dans la comédie depuis des décennies, notamment dans le cinéma Américain. La confusion des genres, la confusion qui s'ensuit, et cette tendance a généralement su évoluer avec la société. Ce film se tient pourtant à l'écart de toute confusion polémique, ce n'est de toute façon pas un brûlot, mais une comédie, stricto sensu...

Donc on y suit les aventures désastreuse de Louise Bourgoin qui est un homme caché dans le corps de sa maîtresse (ce mot... c'est affligeant) et de Stéphane De Groodt qui lui est une femme dans ce corps d'homme (son "amant"...). Et si les situations inévitables sont bien là, si la lisibilité du film ne pose aucun problème, c'est beaucoup plus réussi en ce qui concerne De Groodt... Il assume avec une diabolique efficacité le rôle d'une femme cachée dans un corps d'homme, et réussit bien plus subtilement que Louise Bourgoin dans sa mission. C'est d'autant plus étonnant dans la mesure où le script est signé de trois hommes...

Ca reste un divertissement français, avec un jeu assumé sur les clichés, des acteurs très compétents (Aure Atika et Pierre-François Martin-Laval complètent le rectangle adultérin), quelques moments de divine loufoquerie, un brin de poésie, pas mal de gros voire très gros, sabots (la scène durant laquelle Pénélope, donc Pierre, reçoit des soins de dentisterie par Aimée, qui avoue à son amie qu'elle "n'a pas trompé Pierre", mais qu'elle aime parfois prodiguer des soins, disons, buccaux, à certains de ses patients quand ils sont circoncis), quelques clichés bien assumés sur les genres (Pierre est un homme, donc... et Pénélope est une femme, donc...), mais concrètement, c'est une comédie légère (ça oui) qui fait passer le temps, avec le bon goût de ne pas durer trop longtemps.

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie
17 août 2023 4 17 /08 /août /2023 08:35

Le 6 mai 2012, deuxième tour d'élection présidentielle à Paris; Laetitia, journaliste à Ia télévision, doit alors que ce n'était pas prévu se rendre tour à tour aux QG des deux candidats, pour recueillir l'ambiance lors de l'attente des résultats, puis après. C'est embêtant, parce que ce jour là, son ex-mari doit justement venir voir ses deux filles chez elles, et la décision du juge est claire: il ne peut le faire que si elle est présente... L'intruction donnée au baby-sitter est donc très claire: ne pas le laisser entrer. Mais Vincent, l'ex-mari en question, est très remonté...

Pas Nicolas, par contre, qui va à la fin de la journée admettre qu'il va laisser sa place à François... 

Le pari était gonflé: tourner directement sur les lieux même, au siège du Parti Socialiste (donc Rue de Solférino) et au siège de l'UMP, le parti de droite conservatrice d'en face, le jour d'un résultat important, mais tout en tournant de la fiction. Laetitia Dosch, qui interprète le rôle principal, est donc sur place et parle de l'atmosphère, de l'attente, de la fébrilité de uns ou de l'angoisse des autres, mais c'est du pipeau, même si rien ne la distingue forcément des autres journalistes qu'elle croise. Instant volé, on croisera même ce vieux cabotin de Jack lang; les vrais gens qui sont là, sont tous à vivre réellement leur journée de résultats, et les avis parfois exprimés, toujours exagérés, sont d'authentiques réactions...

Mais l'autre aspect du film, cettte querelle entre les deux ex-amants, qui se joue au téléphone et par baby-sitter interposé, semble aussi réelle, tournée caméra à l'épaule, et... cette vieille manie de ne capter le naturalisme que par l'invective, la violence verbale et physique, d'un cinéma français militant, remonte à la surface et rend souvent le film insupportable. Laetitia Dosch et Vincent Macaigne reprennent d'ailleurs des types qui rappellent un peu les personnages du très naturaliste Vilaine fille mauvais garçon, le court métrage qui a précédé ce film. Je ne dis pas que cette histoire qui voit d'un côté la france faire son deuil d'un hyperprésident sans savoir qu'elle va avoir du mal à accepter son successeur, et de l'autre un couple tenter de faire du sens avec leur situation en s'agressant en permanence, ne soit pas une bonne idée... La métaphore est intéressante, disons. Mais tous ces "putains", ces "tu fais chier", me lassent.

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Published by François Massarelli - dans Justine Triet
16 août 2023 3 16 /08 /août /2023 21:38

Suzanne (Laure Calamy) est une prostituée à l'ancienne, qui a sa clientèle... ou plutôt qui l'avait, car dernièrement, la concurrence de jeunes femmes immigrées, qui sont toutesdans une contre-allée, dans des camions, et proposent des passes à 15 euros, lui caisent bien des tourments. Elle s'en ouvre auprès de deux clients du café qu'elle fréquente quotidiennement, et ils décident de s'en occuper. Elle leur est très reconnaissante, mais...

Quand ils la ramènent chez elle, ils réclament ce qu'ils estiment leur être dû.

Le film ne se vautre jamais ni dans le misérabilisme, ni dans la description salace. Le métier de Suzanne est appréhendé pour ce qu'il est, dans un équilibre fragile mais maintenu entre précision documentaire, et distance saine... Laure Calamy, ce n'est pas peu dire, donne beaucoup de sa personne pour faire exister son personnage... Le parcours du film donne à voir bien plus que du documentaire, mais livre une histoire parfaitement accomplie en 30 minutes, sous la forme d'une fable dramatique. 

...et le drame, déjà très grinçant et cruel, aurait pu magré tout être bien pire.

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Published by François Massarelli - dans Cécile Ducrocq
16 août 2023 3 16 /08 /août /2023 18:16

La carrière de Sterberg commence avec un film que d'aucuns pourraient qualifier d'expérimental, voire d'amateur. Les "stars" en sont George K. Arthur et Georgia Hale (The Gold Rush), ce qui explique peut-être le soutien de Chaplin à un film qui très honnêtement ne devait pas beaucoup attirer la profession à l'époque des studios. C'est par le biais de United Artists que le film a été finalement distribué nationalement.

Le film conte les "mésaventures" de marginaux dans une zone portuaire, un homme ("the boy", George K. Arthur), qui vit au milieu des restes de naufrage et de la boue drainé par les bateaux qui draguent incessament le port; une femme ("the girl", Georgia Hale), qui traine dans les mêmes eaux, garde une certaine dignité qui passe pour de la froideur. Elle oppose une certaine passivité à tout ce qui passe autour d'elle. Ils sont rejoints par un jeune garçon ("the child", Bruce Guerin), un orphelin qui a été secouru d'une correction par une brute épaisse par le héros. 

Ils décident de quitter les environs du port pour se rendre en ville et atterrissent dans un taudis où ils prennent un appartement ensemble. Mais leur logement est tout proche d'un bordel, et quand l'homme cherche du travail, la menace pèse sur la jeune femme...

C'est apparemment un mélodrame, mais l'absence d'émotion visible, et parfois l'absence d'action des personnages, sont rares et assez déstabilisantes. Le propos de Sternberg, qui a tourné le film dans des conditions proches deu système D absolu, étaient de photographier la pensée. On comprend ce qu'il voulait dire quand on voit la façon dont il multiplie les plans statiques, mais il fait aussi une utilisation inventive du décor et des accessoires, montrant par exemple un proxénète adossé à un mur, avec un porte-manteau du plus mauvais goût qui lui dessine des cornes...

Le film ne manque pas d'humour non plus, comme ce plan des trois "héros" qui sont vautrés les uns sur les autres, impassibles, immobiles, avec un cadre au dessus de la tête, qui clame "Home sweet home"... mais il est de travers.

Mais ça reste une vision inconfortable, un film qui s'échappe en permanence des entiers battus. Sternberg y fait la preuve d'un talent évidet dans la composition, et d'une capacité à exploiter le décor, mais l'ensemble reste statique et très énigmatique... Mais tout le film tend vers une résolution qui viendra du fait qu'à un moment, George K. Arthur prendra la bonne décision, au bon moment...

Cette originalité quasi suicidaire n'a pas empêché Chaplin d'y voir bien plus... Il a non seulement fait en sorte que le film soit distribué pour être vu par le plus grand nombre (ce qui n'a pas été le cas) et a engagé Sternberg dont il souhaitait produire un film. Ce sera The Woman of the sea (ou The seagull?) qu'il devra détruire par décision de justice. Non seulement la carrière de Sternberg commençait, mais ses ennuis aussi...

 

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Published by François Massarelli - dans Josef Von Sternberg Muet 1925 *
15 août 2023 2 15 /08 /août /2023 15:44

Deux journalistes en mal de reconnaissance professionnelle (Fraçois Périer, Paul Meurisse) dénichent une affaire bizarre: un clochard, assassiné dans sa cabane, mais... avec des mains manucurées et des pieds propres... A partir de là, ils mènent l'enquête, touffue et tortueuse, avec leur complice, Micky (Martine Carol) qui elle aussi cache de bien inattendus secrets...

C'est mignon tout plein, en fait; une enquête, de valeureux détectives-enquêteurs amoureux de la même femme, qui est une femme très comme il faut bien entendu (et c'est le premier rôle au cinéma de Martine Carol, créditée "Carole"). d'interlopes immigrés Russes, qui cachent des secrets inavouables; une rédaction, au journal, qui évidemment se moque des blancs-becs... Toutes les cases du genre sont allègrement cochées, dans une narration menée tambour battant par Pottier, et qui semble complètement (et sagement) occulter la réalité politique...

Si ce n'est par une allusion fort discrète; par ces temps de rationnement, les deux amis se partagent tout, y compris le chocolat, en suivant un principe simple: quand l'un d'entre eux a une opportunité, ils tirent à pile ou face pour décider qui en profitera... Autre allusion, un peu moins fine, cette méfiance à l'égard des étrangers, incarnés dans ce Russe qui s'est approprié la terre d'un bon français... Pas très glorieux.

Mais bon, derrière le côté sympathique et anodin du film, on retrouve une manie des films français policiers: le détective trouve tout avant tout le monde, et résout l'affaire, c'est entendu. Mais comment a-t-il compris? Ca, ça restera un mystère.

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Published by François Massarelli - dans Comédie
15 août 2023 2 15 /08 /août /2023 09:03

Dans le régime (à peu près francophone) de la République Populaire et Démocratique de la Bubunne, la dirigeante est une générale, Bubunne XVI (Anémone), depuis une trentaine d'années. L'héritière probable du régime sera sa fille Bubunne XVII (Charlotte Gainsbourg), qui est Colonelle dans l'armée. Les femmes détiennent le pouvoir et l'autorité, et les hommes sont totalement soumis, et priés de disparaître sous des vêtements génériques et moches afin de ne pas attirer la convoitise des dames... C'est un régime militaire, autocratique, et religieux: on y vénère les chevaux, nommé chevalins. On y pratique allègrement la peine de mort, sur des hommes principalement, dans des cérémonies publiques assez répugnantes. Il y a des castes même si on prétend le contraire, et la vaste majorité des gens sont considérés comme des "gueusards"...

Jacky (Vincent Lacoste) est un de ceux-là, une jeune homme de vingt ans élevé sans réserves dans le clte local, obsédé par les Chevalins, fuyant toute déviance comme la peste (il parle de "blasphémerie"), et ne plaçant ses espoirs pour l'avenir que dans une cérémonie de mariage absurde, la "bubunnerie" qui voit tout le pays se tourner, une fois par siècle, vers l'héritière du pouvoir, qui choisira son "grand couillon". Et Jacky, ça ne s'invente pas, rêve d'être le "Grand couillon". Comme 95% des hommes du régime...

On ne pouvait pas imaginer plus différent du premier film de Sattouf, qui devait beaucoup à son univers en bande dessinée, versant observateur et "réaliste": Les Beaux gosses reprenait ce mélange fin d'une vision tendre et sans fards de la jeunesse, beaucoup influencée probablement par la jeunesse de l'auteur d'ailleurs... Ici, la cible est autre, et dans cette dystopie étonnante, inventive, et apparemment profondément loufoque, on n'aura aucun mal à retrouver une parodie féroce des républiques islamiques telles que les talibans la rêvent, ou d'ailleurs d'autres régimes de folie furieuse, dans lequel une partie de la population annule toute liberté de l'autre, arbitrairement, et en utilisant magistralement un écran de fumée religieux. Et une fois accepté le parti-pris et l'esthétique très particulière de la chose, ainsi que son langage très spécifique (certains échanges entre Lacoste, Anthony Sonigo, Didier Bourdon et Noémie Lvovsky sont hilarants), le film tient la route, et ouvre un nombre considérable de possibilités...

...mais ces possibilités, ces apparitions d ethèmes et de motifs, qui soulignent l'ambition potentielle du film et de son auteur, sont malgré tout souvent jetés là en pature, par une équipe potache, qui privilégie en permanence l'esprit Fluide Glacial (auquel, tiens donc, Sattouf a aussi collaboré). Et ça se sent dès la provocation de la toute première scène, quand Jacky se masturbe devant le portrait de Charlotte Gainsbourg (renvoyant à un éternel masculin adolescent, la masturbation étant quand même l'un des grands thèmes des Beaux Gosses). Donc on a d'un côté une critique finement observée de la logique totalitaire d'u pays où l'homme est écrasé en tant qu'inférieur de la femme, qui nous renvoie (un peu) un miroir déformant, non seulement de sociétés totalitaires identifiées, mais aussi de notre propre civilisation phallocratique, et de l'autre, on rigole. D'un côté, un simulacre de viol qui est perpétré par la Chérife (Valérie Bonneton) sur Jacky, et de l'autre Michel Hazanavicius en libre penseur en slip... 

Et le film privilégie la comédie en permanence, en se reposant sur ses acteurs, tous rompus au genre, Bourdon, Bonneton, Sonigo, et Lacoste en tête. Ce qui n'empêche pas une fin ouverte audacieuse, qui ouvre d'intéressantes portes... Mais là encore, cela restera schématique.

Au final, une oeuvre paradoxalement très ambitieuse, mais qui a bien fait de reléguer certaines de ses ambitions au placard: la farce domine, la fable reste valide, et on évite la catastrophe, on a suffisamment d'exemples de catastrophes industrielles dans le cinéma français (La fin du monde, tiens, rien qu'un exemple suffit) pour savoir qu'en France, le cinéma est souvent bien plus percutant quand il refuse de prendre le sérieux trop au sérieux. 

Et bien sûr, le film, cher et ambitieux, a été une catastrophe commerciale. Riad Sattouf, 9 années plus tard, n'a pas réalisé son troisième film.

 

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Published by François Massarelli - dans Riad Sattouf Comédie Michel Hazanavicius
15 août 2023 2 15 /08 /août /2023 08:54

Deux jeunes adultes se rencontrent lors d'une soirée et passent du temps l'un avec l'autre; lui (Thomas Lévy-Lasne) est un peintre et dessinateur raté, qui végète dans sa vie, vivant en famille à trente ans; elle (Laetitia Dosch), parle tout le temps, est une vraie pile électrique, mais se trouve surtout être la soeur d'un frère handicapé, dont elle est la responsable en titre, et qui lui envahit sévèrement l'existence... 

C'est un court métrage de fiction qui aura tout fait pour ne pas ressembler à un court métrage de fiction: caméra tremblée, montage haché, conversations prises en cours, et un rythme qui généralement suit celui de la jeune femme... La point de vue passe de façon assez fluide de l'un des protagonistes à l'autre, et c'est bien sûr assez touchant. 

Nommés comme les acteurs, qui à mon avis improvisent une grande part de leur texte, les personnages vont acquérir un semblant d'existence dans cette minuscule tranche de vie... C'est surtout, à mon sens, une déclaration d'intention d'une cinéaste qui a jusqu'à présent oeuvré dans le cadre documentaire, et qui passe à la fiction, mais sur ses propres termes et  avec sa propre méthode...  Comme on le sait elle n'a désormais plus grand chose à prouver.

Mais ça pique quand même un peu...

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Published by François Massarelli - dans Justine Triet