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22 août 2017 2 22 /08 /août /2017 17:56

Ce film fait partie des derniers courts métrages de 1923-24 réalisés chez Roach avec laurel, Finlayson, Ena Gregory, etc... Et ce n'est pas le plus raisonnable, loin de là. C'est une parodie, une fois de plus, de tout un genre, avec une narration qui s'amuse autour des romans de Anthony Hope (Le générique annonce très sérieusement que le film est "une suite de Le prisonnier de Zebra"...). Mais on est bien loin de l'atmosphère digne du film de Rex Ingram sorti en 1922!

Stan Laurel interprète le double rôle du roi du pays imaginaire où ses passent ces fadaises, et de Rudolph Razz, un playboy amoureux de la Reine (Mae Laurel); James Finlayson est Rupert le conspirateur en chef (Rappel, dans The prisoner of Zenda, c'était... Ramon Novarro!). C'est profondément idiot, et les gags sont du pur Laurel: chaque situation est poussée au maximum, sans ménager les chevaux. On peut noter, une fois de plus, une série de vexations que doit souffrir Madame Laurel: ces deux-là avaient manifestement des comptes à régler...

Quand à "Percy" Pembroke, il est probable qu'il s'est convenablement entendu avec la star du film, pour le suivre dans sa prochaine aventure: en quittant Hal Roach, Laurel allait tourner une douzaine de films en vedette pour Joe Rock, dont plus de la moitié allaient être réalisés par Pembroke.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Laurel & Hardy
19 août 2017 6 19 /08 /août /2017 09:10

Jamais deux sans trois... le héros de L'auberge espagnole et Les poupées Russes Xavier Rousseau (Romain Duris) revient, la quarantaine est là et a fait son oeuvre: rien ne va plus avec sa compagne Wendy (Kelly Reilly), avec laquelle il a eu deux enfants. Elle a rencontré un autre homme et part pour New York... avec les enfants. Xavier, dont la carrière d'écrivain semblait enfin se mettre en route, décide de la suivre, et de s'installer aux Etats-Unis pour de bon. Parallèlement, Isabelle (Cécile de France) et sa nouvelle compagne, qui sont également parties vers la même destination, ont obtenu la collaboration de Xavier pour faire un enfant. Entre le combat judiciaire avec Wendy, l'organisation de la nouvelle vie de famille d'Isabelle, et les visites assez fréquentes de Martine (Audrey Tautou), l'ex-petite amie jamais tout à fait partie, il y aura du sport... tant et si bien que ça va être difficile de trouver du temps pour écrire.

Et c'est précisément là que le lien avec les deux films précédents se rompt: L'auberge Espagnole et Les poupées Russes tiraient leur sel d'une narration qui provenait justement de cette difficulté à écrire, mais qui trahissait quand même des idées à foison, aussi bien pour Klapisch que pour Xavier. Ici, la narration est plus classique, plus rangée... Ca part sans doute d'une volonté de coller à la quarantaine! Essentiellement, les séquences durant lesquelles Xavier discute via Skype avec son éditeur (Dominique Besnehard) sont surtout là pur établir qu'en dépit de ce qu'il lui raconte, il n'écrira pas une ligne valable!

Mais le film reste un plaisir, parce que les personnages qui restent (Il en manque quand même un certain nombre) en valent la peine, et parce que le ton reste à la bonne humeur. On aime Xavier et ses plans idiots, on aime Martine, qui a quand même une idée derrière la tête, et surtout on aime Isabelle qui a elle toute seule assume le côté le plus rock 'n roll de la bande... On aime même Wendy, dont le rôle n'est pas facile: c'est elle la méchante...

Même si Klapisch a choisi d'être raisonnable, on sent comme une certaine jubilation à filmer à New York, et il profite de la situation, mine de rien, pour nous asséner des plans de toute beauté, dans des plans qui ont été tournés dans de vrais appartements... Et il se lâche dans Chinatown, où il retrouve une poésie proche de celle de Paris: le titre, bien sur, est justifié une fois de plus dans cette trilogie. Le "casse-tête Chinois" est casse-tête parce que la situation de Xavier est inextricable, mais il est Chinois parce que l'une des solutions pour lui, afin de rester aux Etats-Unis, est un mariage blanc avec une jeune Chinoise, une opportunité qui est fournie suite à un accident inattendu...

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Published by François Massarelli - dans Comédie Cédric Klapisch
14 août 2017 1 14 /08 /août /2017 16:18

Le Paradis du titre? D'abord, Venise: on le visite, Lubitsch oblige, en commençant, hum, par les coulisses. Un tas d'ordure est véhiculé... vers une gondole. Typiquement, le metteur en scène qui aurait pu se contenter d'un plan de la lagune, et d'un élégant titre, n'a pas pu s'empêcher d'être inventif. Puis la majeure partie du film se situe dans un autre Paradis, à Paris, dans la très haute société.

Le "trouble" du titre, quant à lui, est soit le fait que dans la haute société, il y a des gens qui ne sont pas forcément de la plus grande honnêteté, car ils ne sont pas nés avec une cuillère en argent dans la bouche, comme on dit... Alors ils volent la cuillère. Ou alors, ce fameux "trouble" pourrait tout aussi bien être l'amour, ce sentiment intempestif qui arrive comme un cheveu sur la soupe et gâche tout en faisant intervenir les sentiments là où on n'en a pas besoin... 

A Venise, un voleur-escroc internationalement connu, Gaston Monescu (Herbert Marshall), rencontre Lily (Miriam Hopkins), une voleuse qui a un certain talent. Comme ils se volent mutuellement avec une adresse qui les stupéfie mutuellement, ils savent qu'ils sont faits l'un pour l'autre, et s'associent. Monescu vient justement de voler un homme d'affaires dans sa chambre d'hôtel, le Parisien François Filiba (Edward Everett Horton). 

Le couple, des années plus tard, se rend à Paris, attiré par les bijoux de la belle Madame Colet, héritière des parfums Colet et Cie. Durant un opéra, c'est un jeu d'enfant pour Monescu de voler un sac orné de diamants, appartenant à la charmante veuve (Kay Francis), d'autant que celle-ci est flanquée de deux prétendants aussi ridicules qu'inutiles: le Major (Charlie Ruggles), et son ennemi juré se disputent les faveurs de Mariette Colet. Lennemi en question n'est autre qu'un certain... François Filiba. 

Mais une fois le sac volé, Monescu apprend que sa propriétaire donnera une récompense de 20000 Francs à qui le lui rendra. Sous le nom d'emprunt de Gaston La Valle, il va lui rendre l'objet, empocher la prime, et... devenir son secrétaire. Et plus, si affinités.

Après cinq films parlants, dont quatre comédies musicales, Lubitsch s'attaque enfin à une comédie sentimentale, qui reprend un thème déjà très présent dans certains de ses films, notamment The student prince (1927) et The smiling lieutenant (1931): la barrière des classes. Le triangle formé ici par La voleuse, le voleur aux manières de dandy, et la bourgeoise, aussi raffinée et adorable soit-elle, nous rappelle que certaines barrières sont infranchissables, et qu'il est inévitable, quel que soit le désir de l'un comme de l'autre, que Gaston "La Valle" et Mariette Colet finissent leurs vies ensemble... Mais en attendant de faire ce constat, ils auront pu rêver un peu.

Et puis Lubitsch creuse d'autres pistes, bien sur, continuant de s'intéresser aux coulisses, avec ce Gaston la Valle qui s'y entend si bien à tirer les ficelles, ou ce garçon si obligeant qu'il prend des notes quand la requête d'un client de l'hôtel est malgré tout indicible. Et enfin, dans ce film en forme de vitrine de tout son génie, Lubitsch joue avec l'identité, ses faux-semblants, le pouvoir d'un nom aussi: Colet "and Company", comme on se plaît souvent à le souligner! Il nous dresse en 82 minutes une histoire qui a tout pour tourner au sublime et au tragique (après tout, mme Colet et M. La Valle vont si bien ensemble, quel dommage que ce soit impossible), et qui devient tout bonnement une sublime comédie sentimentale. Mais la mélancolie qui s'installe ici reviendra de façon insistante dans l'oeuvre de Lubitsch, de Angel à Heaven can wait, en passant par The shop around the corner.

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Ernst Lubitsch Pre-code Criterion Edward Everett Horton
14 août 2017 1 14 /08 /août /2017 08:58

"J'ai écrit un roman qui s'appelle L'Auberge Espagnole", nous dit Xavier: cette phrase lâchée en plein milieu du film nous permet de mesurer l'effort narratif de ce deuxième long métrage du cycle: c'est l'histoire d'un écrivain qui nous raconte ce qui lui est arrivé, dans le film qui raconte ce qu'il est supposé écrire... Et il n'y arrive pas: comme dans L'auberge Espagnole, justement, il est difficile à Xavier de dire ce qu'il a à nous dire, et de choisir le bon moment pour commencer ou le bon angle d'approche... Mais Les poupées Russes est bien la suite de L'Auberge Espagnole, qui raconte Xavier et sa vie (Ecrivain sans avenir, célibataire invétéré, pas doué avec les femmes) cinq ans après les aventures à Barcelone.

Cette fois, il (Romain Duris) est bel et bien Parisien. Les trois femmes avec lesquelles il passe le plus de temps sont Martine (Audrey Tautou), la petite amie qu'il quittait durant les événements du film précédent, Isabelle (Cécile de France), qui désormais habite Paris, et est toujours aussi lesbienne, et enfin sa maman (Martine Demaret)! Sinon, professionnellement, c'est mal parti: il doit se résoudre à écrire des articles sans grand intérêt pour des magazines féminins, et proposer ses services de "nègre" pour un éditeur. A trente ans, il est obsédé par l'idée qu'il ne trouvera peut-être jamais l'âme soeur...

Le titre est cette fois justifié par un lien avec L'auberge Espagnole: William (Kevin Bishop), le frère de Wendy (Kelly Reilly) avec laquelle Xavier partageait son appartement, se marie: il a rencontré une ballerine de Saint-Petersbourg et a été jusqu'à apprendre le Russe pour la retrouver. Il y aura donc ce voyage en Russie qui permet à tous les copains de Barcelone de se retrouver. Mais auparavant, il y aura surtout une opportunité pour Xavier de travailler avec Wendy sur un scénario de téléfilm coproduit par France Télévisions et la BBC: les voyages quotidiens à Londres vont rapprocher Xavier et Wendy...

On peut penser que ce qui était formidable dans le premier film tourne ici à la formule, que les idées narratives tournent à la sale manie... Il n'en est rien: Klapisch intègre suffisamment de variations, et de toute façon conditionne la narration à l'abondance de digressions. Comme le fait remarquer Wendy quand ils travaillent à leur script, il est toujours intéressant d'insérer des histoires dans l'histoire, comme dans Les contes des mille et une nuits: c'est ce qui arrive du début à la fin des 128 minutes du film. Oui, 128 minutes, je pense que c'est un poil trop long, justement...

Mais ce film s'appelle Les poupées Russes, et derrière chaque développement, chaque histoire, se trouve une autre possibilité. Comme avec les poupées, on veut aller voir plus loin: les idées de mise en scène qui impliquent ces allers-retours narratifs, ou encore les visualisations burlesques du script que Xavier essaie d'écrire pour un téléfilm romantique gnangnan, dans lesquels il ne peut s'empêcher de projeter l'image de son voisin ennuyeux interprété par Zinedine Souallem, et le traitement de l'écran en un terrain de jeu qui tourne parfois au kaléidoscope fourre-tout, maintiennent l'intérêt, et... du coup, le charme opère. 

Comme les jeunes filles.

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Cédric Klapisch
13 août 2017 7 13 /08 /août /2017 18:13

A Vienne, le Lieutenant Niki (Maurice Chevalier)est toujours prêt. Pour son empereur, bien sur, mais aussi pour les dames, qui se bousculent au portillon! C'en est au point où quand un de ses collègues (Charlie Ruggles) le consulte pour que Niki lui donne son avis sur une jeune violoniste, Franzi  (Claudette Colbert), c'est finalement Niki qui se retrouve au bras de la jeune femme. Il en néglige d'ailleurs bien vite toutes les autres. Jusqu'à un drame: lors de l'arrivée du Roi Adolph XV (George Barbier) d'un royaume quelconque, en compagnie de sa fille Anna (Miriam Hopkins), Niki qui n'a que Franzi dans son champ de vision sourit béatement, ce que la jeune femme pincée prend pour une moquerie. pour réparer ce qui menace de devenir un incident diplomatique, Niki se sacrifie et prétend avoir été sous le charme d'Anna...

Oui, Miriam Hopkins en jeune femme pincée... Ca surprend, mais elle le fait très bien. Le film est la troisième production parlante-et-chantante de Lubitsch pour la Paramount, et cette fois Jeanette McDonald n'est pas présente. Les deux actrices en vedette ne sont, ni l'une ni l'autre, des chanteuses, et ça s'entend... d'où une tendance à mettre les ritournelles en veilleuse. On ne s'en plaindra pas, après tout: ce n'est pas ce qu'on vient chercher dans un Lubitsch, enfin!

...Et c'est justement délicieux. L'histoire, on peut assez facilement le constater, pourrait largement déboucher sur de la mélancolie, car après tout il y est question de rang social, et de trois niveaux qui ne peuvent cohabiter: la Princesse, le lieutenant et la violoniste... Le lieutenant étant d'extraction noble, le mariage avec la princesse devient possible. Il peut en revanche facilement fricoter avec Franzi (Voire prendre des petits déjeuners avec elle) mais ne pourra l'épouser: elle le sait d'ailleurs très bien... Mais si le film nous raconte d'une certaine façon la prise au piège du séducteur, et le renvoi à l'égout de la jeune musicienne, il le fait avec le style si léger du Lubitsch "Viennois"... bien que ce dernier soit Berlinois! Et les scènes d'anthologie sont nombreuses...

Citons deux perles: la seule confrontation dans ce film entre Hopkins et Colbert est une merveille. Ce qui aurait du tourner au règlement de comptes (Aussi bien entre les personnages qu'entre les deux actrices, d'ailleurs) se résout en une merveilleuse séquence de complicité féminine. Et il en résultera une métamorphose de Anna, de vieille chrysalide en papillon flambant neuf, qui occasionne un grand moment de slapstick: Chevalier pouvait aussi, en fin, se taire!

Lubitsch cherchait la bonne formule à cette époque: ce film a été suivi d'une oeuvre ambitieuse et douloureuse, Broken Lullaby, puis d'une quatrième comédie musicale (One hour with you) reprenant la trame d'un de ses films muets (The marriage circle), et enfin d'un film qui reprend la même réflexion sur les différences de classe, à nouveau avec Miriam Hopkins: mais en compagnie de Herbert Marshall et de Kay Francis: dans Trouble in paradise, la comédie n'est plus musicale, et la mélancolie ne se cachera plus. Ici, c'est à peine si on y pense...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Musical Pre-code Ernst Lubitsch Criterion
13 août 2017 7 13 /08 /août /2017 18:06

Ce film n'est pas une parodie, mais... une comédie postale! Une fois de plus le script est surtout un très très vague prétexte à déchaîner le feu du gag, et à dresser James Finlayson et Stan Laurel l'un contre l'autre... une fois de plus, les deux comédiens tiennent à peu près la même place dans ce court métrage, qui met Laurel, client de la poste (Qui en ces lointaines années  semble couvrir un nombre impressionnant d'activités!), et Finlayson qui est "inspecteur des postes". Son rôle semble être de s'assurer que les clients d'un bureau de poste peuvent sans trop de problème penser à timbrer leurs lettres, et que la morale soit sauve dans le rayon "photographie" du lieu...

C'est très léger, pas toujours fin, et Laurel et Finlayson finissent par se poursuivre dans les trieuses de courrier. A ma connaissance, c'est un cas unique de ce genre de situation dans l'histoire du cinéma, mais je ne suis pas infaillible.

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Hal Roach Laurel & Hardy
12 août 2017 6 12 /08 /août /2017 16:33

Pas besoin de trop y réfléchir: le titre de ce film nous dit assez clairement qu'il y sera question de sport... Plus précisément d'équitation. Laurel y est un jockey Anglais, la star de son employeur (James Finlayson). Pour participer à une compétition qui mettra le cheval Paprika aux prises avec Zeb, l'étoile montante du sport équestre, Donawho-Laurel doit s'entraîner, et se tenir à un régime très strict. Puis la deuxième bobine est consacrée à la course proprement dite...

Ce film est-il la parodie d'un genre, ou d'un film précis? Il m'est impossible de le dire, mais les autres films de la série de Stan Laurel Comedies produites par Roach en 1923 et 1924 sont généralement orientées vers une oeuvre. Probablement le film visé, n'a-t-il laissé aucune trace. Mais il y avait effectivement des films qui s'intéressaient à l'équitation: Ford, par exemple, en a tourné deux à la Fox (Kentucky pride et The Shamrock Handicap)... 

Il n'y a pas de quoi se relever la nuit, mais les fans de Stan Laurel retrouveront cet esprit farceur, ce refus de s'interdire un gag, même idiot, et cet esprit de corps dont fait preuve l'équipe du film, la même dans tous ces courts métrages: Finlayson, Rowe, la jeune Ena Gregory... Ils sont tous là. Et Zeb Vs Paprika possède un atout inattendu, probablement imprévu: à un moment, Laurel mis au régime malgré lui se déguise en marmiton pour pouvoir manger à sa guise. Il va donc se grimer, en se dessinant une moustache et... c'est troublant: il devient Chaplin. Même moustache, presque le même regard, et même propension à roter comme un malpropre quand il finit sa volaille. Quand il éclate de rire, il ne fait plus du tout illusion, mais... un reste de chez Karno? C'est en tout cas très troublant...

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Laurel & Hardy
12 août 2017 6 12 /08 /août /2017 09:48

L'heure est donc au jeu. mais de quel jeu s'agit-il? Essentiellement, plutôt que d'une quelconque activité ludique partagée par les personnages de cet étrange film, qui rassurez-vous ne s'ennuient jamais, je pense qu'il s'agit plutôt d'un contrat à passer entre le metteur en scène, et son spectateur: selon ledit contrat, le premier s'amuse à pousser le second à s'amuser avec son film... Ce qui requiert du travail, pour l'un comme pour l'autre. Et c'est là sans doute que d'une certaine façon, Tati a commis une erreur. S'il lui a été largement autorisé de prendre du plaisir à accomplir un film, méthodiquement, à travers trois années de tournage, le public, lui, ne s'y est absolument pas retrouvé. 

Le film n'a pas d'intrigue. C'est un fait, ce n'est en rien un reproche et a posteriori, je pense qu'il n'y en avait pas beaucoup non plus, ni dans Jour de fête, ni dans Mon oncle... Et qu'il n'y pas l'ombre d'une trame dans Les vacances de M. Hulot... Ici, tout dépend du décor, et Tati y place ses personnages. Jamais au hasard, cela dit, et le film obéit à une structure assez pensée, dans laquelle le chaos naîtra inévitablement, et pas que de la faute de M. Hulot: cette fois, tout le monde se rend coupable de destruction... D'ailleurs, une demi-douzaine de "faux-Hulots" sont cachés au hasard des pérégrinations du personnage et de ceux avec lesquels il entre en contact, ce qui ne leur facilite pas les choses! Les dialogues, comme d'habitude, n'ont aucune espèce d'importance, et d'ailleurs ils sont largement dominés par l'anglais, une langue que tant de Français n'étaient pas capables de comprendre ou de parler en 1967... ou cinquante ans plus tard. Un autre parti-pris de Tati est de doser les couleurs d'une façon rigoureuse et austère: dans un premier temps tout est gris, décors comme personnages. Puis ça et là, un flash de couleur s'invite, progressivement. A la fin du film, la couleur est beaucoup plus présente avec la reprise de la vie du petit matin Parisien.

L'aliénation dont M. Hulot était le témoin dans Mon oncle est à nouveau le sujet de ce film, qui prolonge la réflexion/méditation sur l'irruption de la modernité dans notre vieux monde. On se souvient de la fin de Mon oncle, qui voyait les faubourgs disparaître au profit d'un monde absurde et froid... C'est désormais, à en croire les séquences de Playtime, une affaire réglée: on ne quittera pas un univers de verre et de béton, que Tati a construit, et utilisé jusque dans ses moindres recoins dans ses séquences organisées de la façon suivante:

Le film commence par l'arrivée d'un groupe de touristes Américaines à l'aéroport d'Orly, qui se rendent ensuite en ville.

Puis on assiste à l'arrivée de M. Hulot dans un immeuble ultra-moderne, qui a un rendez-vous important, mais se perd dans le dédale. Il se retrouve à une exposition d'objets modernes... Exposition à laquelle arrivent elles aussi les Américaines.

Quittant l' exposition, Hulot croise un vieil ami qui l'invite à prendre un verre dans son appartement. Nous ne suivons pas Hulot, mais nous restons à la fenêtre: une grande baie vitrée nous permet de profiter du spectacle muet à l'intérieur de cet appartement, et de celui des voisins.

En sortant de l'appartement, Hulot croise un autre ami, qui travaille au restaurant Royal Garden, dont c'est justement la soirée d'inauguration. Hulot et le portier s'y rendent, les Américaines y dînent aussi... Le restaurant n'est pas prêt à fonctionner, et la soirée tourne au désastre.

Au petit matin, Hulot qui a rencontré une jeune et charmante touriste Américaine (Barbara Dennek), la voit partir vers l'aéroport, pendant que la vie Parisienne reprend ses droits: les voitures forment un étrange carrousel, puis le film se termine sur une vision des lumières d'Orly, dans la nuit.

Occasionnellement, par la magie d'une porte vitrée qui réfléchit comme ça, sans penser à mal, un reflet du Paris de toujours se retrouve brièvement à l'image, souligné par la musique: le Sacré coeur, la tour Eiffel, ou l'Arc de Triomphe ont ainsi droit à des "cameos" qui sous-tendent le propos de Tati, et qui rappellent l'opposition fondamentale entre classicisme/poésie et modernité, qui était le thème principal de Mon Oncle. Un autre message clair est placé dans son film par Tati, qui déroule son générique sur un beau ciel nuageux, et qui ne loupera pas une occasion d'ouvrir des portes vers le ciel, du début à la fin du film. Du reste, du point de vue des Américaines, on vient à Playtime par les airs...

La jeune femme, identifiée sous le nom de Barbara, est le seul personnage véritablement identifiée dans le groupe des Américaines. Comme d'habitude, Tati a distribué avec soin ses personnages à des acteurs qui ont des tâches extrêmement précises à accomplir, et c'est d'autant plus évident dans les séquences du restaurant... On peut citer le portier qui, avec la complicité involontaire de Hulot, a cassé une porte vitrée, et va malgré tout, le bouton de porte dans la main, faire son boulot toute la nuit, ouvrant une porte imaginaire pour tous les clients; il y a un videur aussi, à l'affût de tout comportement qui indique un excès de boisson; un garçon malchanceux déchire un à un tous ses vêtements à cause d'un mobilier trop agressif... Bref, Playtime, c'est la fête du petit détail, dans laquelle les comportements de uns et des autres sont dictés par le décor: ça a beaucoup joué pour le manque de succès du film, et c'est dommage. Notons que bien des gags se déroulent parfois à l'insu du spectateur, qui est ensuite guidé vers l'action en cours, prenant le train en marche. C'est comme la vie, quoi...

Et ça a ses limites; la séquence très élaborée des appartements-vitrines, par exemple, requiert une concentration, et une adhésion du spectateur, qui me semblent difficile à solliciter: à gauche, l'appartement de l'ami de Hulot dans lequel il vit avec sa famille (Tout le monde habillé de gris). ils vont regarder un match de boxe à la télévision... tout comme dans l'appartement de droite, organisé symétriquement. Mais Tati s'amuse, de temps à autre, à faire "réagir" les gens de droite à ce qui se passe dans l'appartement de gauche, alors que ces réactions sont plus certainement provoquées par l'émission sportive: ainsi, quand à droite un homme enlève sa chemise, à gauche les parents demandent à leur fille de sortir de la pièce. Puis quand c'est au tour du monsieur de gauche de se déshabiller, la voisine de droite s'enfonce dans son fauteuil, et regarde avec intérêt... Toute la séquence est un dispositif savant, gonflé, mais lourd à mettre en route, et qui tend à prendre beaucoup trop de place, pour finalement pas grand chose...

Mais dans l'ensemble, le film est un objet fascinant, unique en son genre, et on ne dira même pas qu'il est en avance sur son temps: cinquante ans après, Playtime n'a pas vraiment de descendance! Il est pourtant la suite logique de Mon oncle, le deuxième film d'une trilogie qu'on oserait presque qualifier d'inachevée tant le troisième film (Trafic) me paraît décevant. Une vision de la modernité dans ce qu'elle a de plus embarrassant, absurde, déshumanisé, mais aussi rigolote, poétique, et pour qui voudra prendre le temps d'observer, riche en options. J'insiste là-dessus: on ne peut pas imposer la vision de Playtime, c'est un film qu'il faut vouloir voir.

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Jacques Tati
11 août 2017 5 11 /08 /août /2017 16:51

Ce film qui date de la dernière année du muet n'est peut-être pas le joyau de la couronne des années 20, mais il est quand même valable à plus d'un titre: d'une part, cette petite comédie sans prétention est l'un des deniers films majeurs (entendre par ce mot, produit par un studio important, en l'occurrence la First National, et avec en vedette une star notable) à avoir été retrouvés, sachant que ce genre de découverte sera désormais très rare compte tenu de l'utilisation de pellicule "nitrate".

Ensuite, la Warner, désormais propriétaire du film, a mis des moyens conséquents dans la restauration, ce qui est une excellente nouvelle; enfin, il y a Colleen Moore, dans un rôle qui n'est plus de son âge, mais on s'en fout: elle est une 'flapper' qui tombe amoureuse de son patron, et celui-ci, interprété par Neil Hamilton, la met à l'épreuve car il doute de sa moralité.

Colleen Moore peut ainsi s'en donner à coeur joie et passer d'une émotion à l'autre avec une virtuosité qui laissera pantois, et comme elle est, rappelons-le, une ancienne danseuse, elle joue de son corps avec une aisance peu commune y compris à l'époque du muet. Elle a un rôle qui la rapproche beaucoup de Clara Bow qui avait triomphé dans un personnage assez proche (It, Clarence Badger, 1927), mais on peut aussi penser à la jeunesse dorée incarnée par Joan Crawford dans Our dancing daughters en 1928... Seiter n'est pas Lubitsch, mais il fait bien son boulot, et la splendide copie est une autre bonne nouvelle. Le film est typique de l'approche du cinéma Américain dans ces années du "jazz age": on montre la jeunesse, tout en lui donnant une leçon de savoir-vivre. Notons que le père du héros, sensé incarner la docte sagesse, s'avère finalement un peu plus sensé que son fils... Mais un peu trop pragmatique pourtant! Prenant acte du fait que son fils fricote avec une employée de son magason, il la licencie sur le champ...

"Jazz age": ça mérite peut être un rappel en forme d'explication: en ces années 20, faites de contradictions, d'une part des pères-la-pudeur ont eu la peau de l'alcool et d'autre part la débauche est devenue un sport national. C'était le rôle des stars, Clara Bow, Joan Crawford ou Colleen Moore, d'incarner un juste milieu: des filles qui aiment faire la fête, mais sans pour autant s'abîmer dans la luxure: c'est tout le sujet de ce film, justement...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie 1929 Colleen Moore William Seiter **
10 août 2017 4 10 /08 /août /2017 09:08

Un scénario tout simple, pour un film de grande qualité, qui permet de transformer une promenade en ville en une course poursuite délicatement surréaliste: le point de départ est simple, emprunt de ce talent particulier qu'avaient les équipes des studios Roach pour montrer la vraie vie de l'homo Californicus, dans son milieu naturel, dans les années 20... Laurel est donc le client d'un tramway qui est angoissé: il ne connaît pas le trajet et ne sait pas quelle correspondance prendre. Le contrôleur lui conseille de suivre une jeune femme (Katherine Grant) qui a prévu le même itinéraire...

Et voilà, le tour est joué! Pour le reste, la jeune femme musarde en chemin: elle se rend dans un grand magasin, y téléphone, et à chaque détour, non seulement Laurel menace de se perdre, mais en plus le fait qu'il la suive avec insistance devient de pus en plus louche. Et pour couronner le tout, il est désormais suivi par... le détective du magasin (James Finlayson).

Le film a été tourné en toute liberté, les scènes d'extérieurs ont été filmées sur le remblai de Venice Beach, et certaines scènes d'intérieurs (Le magasin, et son rayon des tissus) ont certainement profité des décors de Safety last dont le tournage était contemporain...

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Laurel & Hardy