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23 mars 2025 7 23 /03 /mars /2025 16:58

Thomas (David Hemmings) est photographe à Londres, il est très occupé: quand le film commence, il a passé la nuit dans un asile de nuit pour un projet, et il doit faire deux séancs, une avec le modèle Verushka, et uneautre avec un groupe de jeunes modèles qu'il a tendance à bousculer un peu: c'est qu'il s'ennuie, et qu'il ne trouve pas dans sa vie professionnelle et artistique, aussi remplie soit-elle, son compte... Pas plus d'ailleurs que dans sa vie privée avec une épouse qu'il juge "facile à vivre". Il refuse même la propsition de deux modèles de poser pour lui, car elles cherchent à entrer dans la profession. Il part donc à l'aventure, et se retrouve dans un parc, à photographier au hasard: sans le savoir, il a dérangé un couple qui s'y retrouvait en secret... Intrigué par leur comportement, il les suit puis les photographie. Quand elle s'en aperçoit, la femme (Vanessa Redgrave) lui fait comprendre qu'il est hors de question de le laisser partir avec les clichés...

Dès le départ, le rythme est étonnant, décalé presque. Le personnage de Thomas est celui qui imprime son propre cheminement aussi bien au film qu'au spectateur. Décalé, il l'est autant par sa profession que par son aliénation: constamment partagé entre lesphotos qu'il fait et celles qu'il doit faire, entre celles qu'il a faites (qui ne le satisfont pas) et celles qu'il aimerait faire... Tout l'ennuie, à commencer par les femmes qu'il croise professionnellement, et qu'il séduit sans aucun effort. De cette vie nocturne et hasardeuse, il s'échappe dès qu'il peut, en prenant des chemins de traverse: le parc, notamment, ou le fait d'avoir eu l'idée d'insister et de suivre un couple qui de toute évidence ne souhaitait pas être photographié...

L'incident avec le couple du parc, et le fait que la jeune femme qu'il a surprise tente de lui reprendre ses photos (lui proposant même de lui donner son corps s'il le souhaite), devient l'ouverture vers autre chose, un ailleurs inquiétant et excitant. Mais surtout, il va provoquer quelque chose d'inattendu: en développant les photos il va découvrir des détails imprévus. C'est de cet aspect que dérive le titre du film; il va en effet agrandir (blow up) les photos qu'il a prises, jusqu'à y découvrir des ramifications. Le regard de la femme, inquiète et surprise, de quoi est-il une indication? Y'avait-il dans le parc quelqu'un d'autre que lui, la femme et l'homme d'un âge certain avec lequel elle fricotait? Et si elle le savait pourquoi n'a-t-elle rien fait? Quel est ce visage inquiétant qui ressort des agrandissements successifs, d'un homme caché dans un buisson?

C'est cette plongée dans autre chose, quelque chose d'inattendu et d'inquiétant, qui va donner du sel à l'existence du jeune homme, qui vit pourtant dans le swingin' London! Et le film nous le rappelle constamment, mais de façon décalée: les rapports (...à tous les sens du terme) avec les jeunes modèles, dans la discrétion de son atelier privé; des voitures de fêtards en costumes, qui ne parviennent pas à finir leur nuit; un parc tranquille, mais vide au delà du raisonnable: cette douce mais stérile vie du film est aussi décalée que son personnage, qui n'en finit pas de recréer avec son imagination le contexte de ce qu'il a pourtant vu.

Dans ces conditions, alors qu'il doute de l'intérêt de tout, et qu'il recherche tellement un ailleurs qu'il l'invente avec les détails de ses clichés, comment ne pas en venir à douter de sa propre existence ou de sa propre signification? Londres, ruche bouillonnante selon la publicité, est devenue dans le film un lieu éteint, mort... Un endroit futile, comme sont futiles les choses, les êtres et les événements. 

Rien que ça. N'empêche que ce film est bluffant, car il réussit à faire énormément avec rien, ou presque... Comme ces photos qui n'en finissent pas d'être agrandies, et qui finissent d'ailleurs par ne plus ressembler... à rien, le film s'amuse de la futilité et du vide intégral d'une société dont les habitants s'enthousiasment pour des concerts (ici on verra un extrait de concert de Yardbirds) dans lesquels rien ne semble les satisfaire jusqu'au moment où Jeff beck, irrité, ne casse sa Gibson ES (oui, c'est un crime); le manche jeté dans le public d'un geste presque rituel, devient un objet indispensable pour le foule qui auparavant semblait en totale léthargie, et maintenant se déchaîne, tout ça à cause d'un geste de frustration d'un artiste se livrant à un acte de transgression...

...inutile.

C'est toute l'ambiguité de ce film: un classique construit sciemment sur du vide.

 

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Published by François Massarelli - dans Michelangelo Antonioni Mettons-nous tous tout nus
23 mars 2025 7 23 /03 /mars /2025 15:40

Le futur... Mickey Barnes (Robert Pattinson) a des soucis avec un créancier (le genre de problème qui peuvent littéralement l'amener à se voir coupé en morceaux par une tronçonneuse), et avec son associé Timo, il s'engage sur une mission vers une autre planète, Nilfheim: des humains, menés par un autocrate cinglé (Mark Ruffalo), vont la coloniser. Timo a réussi à trouver un poste acceptable, mais Mickey s'est retrouvé à postuler pour être un "remplaçable" (un "expendable" en Anglais), ce qui veut dire qu'il sera utilisé pour toute mission incluant le risque de mourir, sacrifié, puis "réinprimé" à partir de son empreinte. Au moment où le film commence, il en est à sa 17e itération, et il est sur le point de se faire dévorer, a priori, par une créature menaçante...

Sauf que non: la bestiole en question va en effet gentiment l'accompagner jusqu'à la sortie de sa grotte, et donc l'épargner, ce que mickey (qui est un peu lent, en tout cas sa 17e version) ne comprend pas vraiment. Mais quand il revient, il constate que les techniciens l'ont déjà remplacé. Et il est clair que c'est un problème puisque dans cette société du futur, le fait d'être un "multiple", donc un clone, est absolument inacceptable... Mickey 17 et 18 (qui lui est plus vif, voire vindicatif) sont donc dans les ennuis jhusqu'au cou... Mais la mission aussi, sous la responsabilité d'un irresponsable: car Kennenth Marshall, le chef autoritaire de cette entreprise, est un fou furieux trop occupé à bâtir une sorte de gloire auto-centrée pour faire quoi que ce soit de cohérent...

De la science-fiction: difficile pourtant, en 2025, à une époque où l'innovation technologique est élevée au rang de principe de base (souvent en dépit du bon sens, la preuve avec les IA), de trouver du nouveau dans un genre qui est précisément bâti sur la marche du progrès à travers des hypothèses. Mais Bong Joon-ho n'en est pas à son coup d'essai, et entre The Snowpiercer et Okja, a déjà fait preuve d'une invention visuelle et thématique formidable dans son oeuvre. A ce titre, le monde de Mickey 17 est passionnant, construit autour certes d'une mission intergalactique, mais aussi et surtout d'une parodie méchante du monde dans lequel nous évoluons...

Du vitriol: car oui, comme d'habitude la science-fiction ne nous parle en rien du futur, se contentant de transposer avec génie le monde actuel dans une invention décalée, et profondément humoristique: le fait est que les comportements de tous les humains, ou presque, que ce soit dans l'accomplissement de leurs missions respectives, dans le vivre ensemble, face à leurs responsabilités, ou face à la décence élémentaire, sont ici soumis au miroir déformant de la satire. Et dans cette base installée sur une improbable planète gelée, chaque individu finit par ne rouler que pour lui-même, comme il est d'ailleurs souligné, montré en exemple par le leader, Kenneth Marshall... Je ne sais ce que lui a demandé Bong Joon-ho a demandé à Ruffalo, mais il s'est modelé un personnage, de toute évidence, sur deux bases: Mussolini, et Trump... Donc un être fat, diminué psychologiquement, imbu de lui-même jusqu'à l'absurde, qui serait hilarant s'il n'emmenait le monde à sa sa perte... Et encouragés à faire de même, les humains sont inefficaces (à un moment, on s'apprête à jeter Mickey dans un incinérateur alors qu'il est encore vivant), font preuve d'une duplicité inquiétante (le copain Timo qui vend de la drogue à toute la base), et perdent leur sens des réalités: même Nasha (Naomi Ackie), la petite amie de Mickey, qui est pourtant une rdoutable policière-soldate-pompière, perd tout sens des convenances et se réjouit, sous l'emprise de la drogue, d'avoir deux amants! La charge est cruelle, mais néessaire et surtout constamment drôle.

De la poésie: Bong est un maître en tous points; son timing, que ce soit en Coréen ou en Anglais, n'a jamais failli, son art de la composition laisse pantois, son utilisation des pleins et des déliés du montage, et son sens esthétique (qui pour moi n'est jamais pris en défaut que sur ses monstres, ce qui était déjà le cas dans The host) nous sont ici rappelés, pour un premier film intégralement en Anglais; et ce film est précieux, car avec l'arrivée du gros Mussolini blond à la Maison Blanche, la menace qui pèse sur l'inventivité à Hollywood est réelle... A plus forte rison quand on constate que ce film attaque les pires travers de l'humanité, de la technocratie, de la politique tels qu'ils sont désormais la règle dans le pays le plus riche du monde. Alors pouvoir contempler une oeuvre à nulle autre pareille, drôle de surcroît, aux images fortes qui vous résonneront longtemps en mémoire, c'est en effet sans prix.

J'apprends que ce film est un flop aux Etats-Unis, ce qui ne m'étonne qu'à moitié... Peut-on oublier la moue de dégoût du préseident de l'époque, lorsqu'il a appris que le film qui avait gagné l'oscar de la meilleure oeuvre, était Parasite de Bong Joon-ho, en 2019? Un film qui avait l'audace de parler une autre langue que l'anglais... Le public Américain n'est plus prêt (il l'était dans les années 70) pour une telle inventivité. Ce film essentiel possède la beauté des grandes oeuvres de science-fiction, de Kubrick, de Fleischer, Lucas, Spielberg ou Schaffner. Carrément. Il est aussi corrosif que A clockwork orange, aussi profond que Solaris, et aussi passionnant et stimulant, dans un portrait des déclassés face aux élites sans cervelle, que Parasite. Et Robert Pattinson, en fusible professionnel (le narrateur de ce film n'est autre que le type le plus en bas de la chaîne...), est irrésistiblement drôle, surtout en deux versions!

 

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Published by François Massarelli - dans Bong Joon-Ho Science-fiction
22 mars 2025 6 22 /03 /mars /2025 11:42

Curiosité parmi les curiosités, Life est une énigme. C'est donc un film inachevé de Chaplin, dont certains commentateurs ont douté qu'il ai jamais existé, mais dont on est à peu près sur qu'il a bien été entamé. Quand on sait à quel point Chaplin pouvait contrôler, jusqu'à ses derniers jours, le devenir de chacune des images dont il possédait les droits, il est étonnant de savoir qu'on dispose d'une bonne portion de ce film, d'autant qu'il n'a jamais été achevé... Mais voilà: Life a été commencé en octobre 1915, dans le cadre de son contrat avec Essanay, et Chaplin n'en possédait pas les droits. de toute façon, le film n'est que virtuel: essayons d'y voir un peu plus clair. Nous sommes face à plusieurs objets filmiques qui sont autant de pièces de ce puzzle:

Police

Chaplin est libéré de prison, et commence l'habituelle recherche: manger, un endroit pour dormir. Il rencontre, après avoir tenté de s'installer dans un asile de nuit, un ancien compagnon de cellule (Wesley Ruggles), avec lequel il va se lancer dans un cambriolage. C'est un désastre, et à l'arrivée de la police, La jeune fille de la maison, jouée par Edna Purviance, va disculper le vagabond, qui va pouvoir continuer son errance...

Le film est un bon court métrage de deux bobines, enlevées, avec des figures qui sont troublantes: le choix entre réforme et débrouillardise, entre honnêteté et vol... Et il y a une scène troublante dans un asile de nuit, un endroit qui sera toujours pour Chaplin un lieu intéressant pour ses tragi-comédies...

Triple Trouble

Quelques années après, en 1918 très précisément, l'Essanay sortait Triple trouble; il s'agissait d'un ensemble de chutes de films, assemblées de façon supposée cohérente et complétées avec de nouvelles scènes réalisées par Leo White. Le plus intéressant dans ce film incompréhensible, c'est bien sûr que les chutes soient tirées des tournages de Police, et de Life. Mais s'agit-il vraiment de deux films différents?

A voir Police et Triple trouble à la suite, on est frappé par les ressemblances de certaines scènes, et l'incohérence qui se dégage de leur juxtaposition: les deux films contiennent de façon évidente les fragments d'un troisième, qui ne peut être assimilé ni à Police, ni à Triple trouble, un salmigondis sans queue ni tête dans lequel Leo White a inséré des passages répétitifs et anti-Germaniques, et une intrigue débile dans laquelle Chaplin n'a d'ailleurs rien à faire, et quelques plans tirés de Work.

Mais l'essentiel  de ce nouveau film est composé d'images qui sont soit des doublons de séquences de Police (la rencontre entre Chaplin et son copain de cellule), soit des prolongements (La séquence de l'asile de nuit, ici longuement développée). Mais c'est quand même une énigme, d'autant que le montage chamboule tout; un personnage de l'asile de nuit porte le même maquillage et les mêmes vêtements que Wesley Ruggles qui joue l'escroc avec lequel Chaplin se rend à un cambriolage (Dans les deux films, même s'il ne s'agit pas du même cambriolage!); à un moment, l'homme de l'asile de nuit poursuit Chaplin, qui s'enfuit de l'asile, se retrouve dehors, et se trouve nez à nez avec le même homme, ou du moins son sosie, avec lequel il pactise désormais: ça ne marche pas...

Voilà, tout porte à croire que Chaplin s'est bien lancé dans la confection d'un film qui aurait été son premier long métrage, qui aurait mélangé les aventures de son héros vagabond dans la ville, et l'aurait vu d'abord sortir de prison, lutter pour sa survie, s'installer dans un asile de nuit, ou une longue scène de Triple Trouble se situe en effet, puis sans doute rencontrer un escroc... après, les paris sont ouverts: deux cambriolages, chacun avec une Edna Purviance différente... N'oublions pas que Chaplin aimait à faire, défaire, écrivait ses scénarios avec la caméra, et qu'il a sans doute ravalé ses ambitions devant le peu de soutien manifesté par l'Essanay. Auquel cas Police est sans doute la version "acceptable" de Life concédée par Chaplin à ses patrons, qui lui permettait de faire passer certaines scènes. Le fait qu'il s'agisse d'une concession expliquerait que le très intransigeant Chaplin s'en soit désintéressé aussi facilement. Pour finir, Chaplin a fini par reconnaître Police, et même Triple Trouble, dont il est vrai qu'il recèle une longue scène totalement intacte de ce qui a du être un film que Chaplin aurait aimé pouvoir finir...

Post-scriptum:

une reconstitution du film (Sous le titre POLICE, EXTENDED EDITION) a eu lieu, elle a été disponible un temps sur DVD, et les reconstructeurs sont partis de l'hypothèse que le film était à peu près achevé, et ont agencé les séquences de la façon suivante: 

Chaplin sort de prison, tente quelques rapines pour manger, essaie d'entrer dans l'asile de nuit, mais en est expulsé.(Police)

Le lendemain, il trouve un travail, et devient assistant cuisinier dans un manoir, dont la bonne à tout faire est Edna. ils flirtent, mais il est vite licencié. Avec l'argent, il a au moins de quoi entrer dans l'asile. Là, il  déclenche une bagarre, et doit sortir précipitamment.

(Triple trouble)

Du coup, seul dans la nuit, il se retrouve face à son "ami" qui lui propose un cambriolage. il accepte, et participe au casse. Il y revoit Edna, qui ne le dénonce pas lorsque la police intervient, et il part sur la route, seul...

(Police)

Voilà, c'est vrai que ça tient assez bien la route, reste le cas des deux escrocs habillés pareillement, qui pose toujours ce problème de continuité. En tout cas, le film ainsi arrangé est proche de 40 minutes...

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet ** 1916
22 mars 2025 6 22 /03 /mars /2025 11:26

Un prisonnier (Chaplin, identifié uniquement par son matricule) est libéré de prison, et commence l'habituelle recherche: manger, un endroit pour dormir. Il rencontre, après avoir tenté de s'installer dans un asile de nuit, un ancien compagnon de cellule (Wesley Ruggles), avec lequel il va se lancer dans un cambriolage. C'est un désastre, et à l'arrivée de la police, La jeune fille de la maison, jouée par Edna Purviance, va disculper le vagabond, qui va pouvoir continuer son errance...

Le film est plaisant, avec de bons, voire très bons moments: les cinq premières minutes sont un mélange intéressant du style habituel de Chaplin, qui va droit au but, et d'une atmosphère urbaine réaliste. Chaplin s'y paie la fiole des "réformateurs", ces gens plus ou moins religieux qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas (ce n'est que la première fois qu'il le fait, mais il y reviendra...); le passage trop court dans l'asile de nuit est frustrant (surtout quand on sait qu'il provient certainement du film inachevé Life qui lui tenait à coeur mais que la compagnie essanay avait refusé de cautionner): on se rappelle l'obsession de Chaplin pour ce lieu si Dickensien, qui lui permettra toujours de livrer des raccourcis cinglants sur l'état des finances de ses personnages (Il retentera le coup dans le film inachevé The Professor en 1918, mais surtout il nous montrera le lieu de façon magistrale dans The Kid).

Sinon, le cambriolage donne lieu à deux scènes visuellement très travaillées d'une part (une séance de pantomime en ombre chinoise, et l'arrivée menaçante d'un policeman, dont la silhouette se découpe lentement dans le chambranle d'une porte, l'étoile apparaissant la première), et à des gags indignes d'autre part (Chaplin se fait tirer des coups de feu dans le derrière de façon répétée, et saute en l'air à chaque fois, il tourne ensuite autour d'une table en se massant l'arrière train, tout en piquant une bouteille de vin au passage... Il parodie aussi le style des mélodrames de Griffith, montrant ici Edna Purviance qui, entendant les cambrioleurs dans la maison, téléphone à la police pour qu'on vienne la secourir, 

Le film n'a pas été monté par Chaplin, mais laissé derrière lui au moment de son passage à la Mutual. Alors qu'il aurait du être occupé à monter ce film, Chaplin était en plein tournage de A burlesque on Carmen, un film dont on ne peut pas dire qu'il bouleverse quoi que que ce soit, et qui sera son dernier film pour l'Essanay: manifestement, il était pressé de partir et d'en finir avec ce contrat. 

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet
21 mars 2025 5 21 /03 /mars /2025 22:09

Il fut un temps où c'était une blague... L'idée qu'il puisse y avoir un deuxième opus après le spectaculaire (et fortement lucratif) Gladiator de 2000, ne pouvait être qu'une butade, un canular même, le premier film ayant fini comme chacun sait sur le sable fatal du Colisée... 

Oui, mais Gladiator, après tout c'est plus qu'un film, c'est plus un concept, donc... Quelques éléments (le destin de Lucius, le neveu de l'infect Commodus, dont on se doute qu'il était le fils de Maximus) permettent ici un lien entre le premier film et celui-ci. On y retrouve aussi Lucilla, sa mère, qui rêve de pouvoir voir un jour le rêve de son père Marc Aurèle s'accomplir...

Mais il est surtout question, semble-t-il, de recommencer à zéro, donc avec un nouveau gladiateur en l'absence de Maximus. Et Hanno (de son vrai nom Lucius) ressemble tellement à Maximus qu'il permet à la même ferveur populaire de se montrer à l'écran dans des scènes de bagarre mémorables...

...et vides. 

Et Rome à l'écran, ses navires conquérants avec leurs rames par centaines, ses catapultes, des jeux du cirque, ses armures, son sénat, ses orgies... C'est très esthétique, et pour Ridley Scott (qui avait tant rêvé pour son film de 2000 d'un rhino dans l'arène, et qui a enfin accompli ce rêve idiot) c'est irrésistible:

ça rend le film luxuriant, beau à voir, mais d'une profonde stupidité du début à la fin. Une bataille entre les gladiateurs et les babouins mangeurs d'hommes, oui vous avez bien lu, en décide cruellement et assez tôt:

Ce film est beau, inutile, vide, et con.

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Published by François Massarelli - dans Ridley Scott
20 mars 2025 4 20 /03 /mars /2025 18:57

Oui, car si en "français" le film est connu sous le titre passe-partout de The Insider, ce thriller d'espionnage est en fait doté d'un tout autre titre pour les anglo-saxons, un titre qui fait allusion au petits secrets, déformation professionnelle, que les espions qui composent la faune du film gardent les uns envers les autres: "tu étais où, hier soir?" "...Black bag: secret défense!". Maintenant, où commence la légitimité de garder le silence sur une opération sensible, et où finit la tentation de profiter du "black bag" pour tout cacher, à plus forte raison à une épouse ou un époux qui lui ou elle aussi, est un(e) espion(ne)?

C'est l'ambitieux, et très ironique concept de ce film, le meilleur de Steven Soderbergh depuis Contagion. Il commence par un plan-séquence d'une grande classe, un truc de mise en scène pour renvoyer aux riches heures du film noir, d'une part... et un moyen original de mettre l'accent sur un personnage, et sa rigidité: car nous suivons George (Michael Fassbender), espion Britannique, dans les escaliers qui descendent vers une boîte de nuit, où il rencontre l'un de ses supérieurs. Ce dernier a une mission à lui confier: en effet, un traître sévit dans les rangs, et les cinq potentielles "taupes" sont donc à surveiller, et même à tester (car George est un spécialiste du détecteur de mensonges): parmi les noms, celui de Kathryn (Cate Blanchett), l'épouse de George. Nous l'avons suivi, sagement derrière sa nuque raide pendant son arrivée à la boîte de nuit, mais maintenant, le reste de son visage est visible, et de deux choses l'une: soit il est d'une exceptionnelle froideur, soit il cache très bien son jeu. 

On ne va pas y aller par quatre chemins, ce n'est pas simple sans doute dit comme ça, mais le film est encore plus tortueux! D'ailleurs, ce plan d'arrivée nous permet de voir que nous sommes un peu en coulisses du monde de l'espionnage; car les agents secrets du pays semblent bien enclins à se détendre après les missions: boîtes, bars, pubs, bar à sushis... Verre en terrasse, dîner à six. Les protagonistes sont tous en couple, mais deux seulement sont mariés ensemble, George et Kathryn. George dit qu'il hait le mensonge et les menteurs, et semble avoir fait de sa raideur un trait professionnel... mais quand il dit à son épouse qu'il est prêt à tout pour elle, y compris à tuer, on n'hésitera pas à le croire sur parole, tout comme pour elle, car ces deux-là ont facilement ce type de serment à la bouche...

...et au vu du film on les croit sur parole!

...La manipulation, la mise en scène, thème essentiel du metteur en scène, décliné de film en film, entre les casses (Ocean's 11, 12, 13 et Logan Lucky), les manipulations de masse (Contagion, Side effects), la guerre de la drogue (Traffic), voire la simple rencontre entre un braqueur et sa nemesis amoureuse, une inspectrice (Out of sight): tout ou presque revient à cette notion qu'en toute chose, il convient d'adapter, de manipuler, d'avancer ses pions. On ment souvent chez Soderbergh, et on le fait aussi au public.

Et puis ce film est probablement le plus grand sac de Mac Guffins au monde: un Mac Guffin, je le rappelle, c'est selon Hitchcock un procédé de scénario qui donne au héros quelque chose à faire (une mission, par exemple) sans trop de détail pour ne pas encombrer le spectateur... Le film regorge d'explications et de discussions "techniques" qui sont autant de manifestations de poudre aux yeux, car les questions essentielles deviennent bien vite, qui manipule qui? qui a tué sui? et pourquoi? Mais bien vite on se rendra compte que toutes ces questions reviennent au même: c'est à dire au vide. Car sans aller aussi loin dans le cynisme kafkaïen que Clouzot (Les Espions), il semble bien que les agissements de tous ces professionnels du mensonge d'état soient plus terre-à-terre... ou personnels, en tout cas, qu'il n'y paraissait au premier abord. Le film devient très vite un jeu de pistes, dans lequel il devient assez facile de se choisir un ou deux "guides". Avec du suspense, des retournements de situation, des dialogues virtuoses, et, mais oui, une dose solide et roborative d'humour noir et froid. 

 

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh
18 mars 2025 2 18 /03 /mars /2025 22:01

Spike le chien, et son fil Tyke s'apprêtent à faire un barbecue, l'occasion pour le bulldog de partager avec son fils la seule tâche ménagère qu'il ait jamais été amené à faire sans doute, mais le sort s'acharne sur ex: d'une part, Tom et Jerry sont très occupés à se pourchasser autour d'eux, causant des problèmes sur la bonne tenue de la préparation du repas... Mais en prime, qui dit repas dehors, dit forcément fourmis.

Ce film recyle beaucoup, finalement: le duo de chiens, Spike et Tyke, qui a même été lancé sur une série à la MGM par Hanna et Barbera, mais ce sera finalement abandonné après trois films... Ensuite, l'idée de faire de Tom et Jerry les perturbateurs permanents d'une intrigue qui ne les concerne pas, me semble très intéressante, mais elle a déjà servi! Et sinon bien sûr, les fourmis ont elles aussi déjà des heures de vol. Sinon, les tracas domestiques, comme le steak énorme qui une fois à griller devient minuscule, sont vraiment sous une forte inspiration de Tex Avery...

L'animation est réduite, et les personnages perdent en substance ce qu'ils perdent en mouvements... Je pense que les personnages les plus animés restent les fourmis. C'est déjà ça...

 

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Published by François Massarelli - dans Tom & Jerry Animation
17 mars 2025 1 17 /03 /mars /2025 15:49

Deux avocats d'affaires (Antonio Banderas et Gary Oldman) nous expliquent le fonctionnement de l'argent, et justifient par là même qu'il puisse exister des escroqueries... Dont celles auxquelles se livre justement leur cabinet d'avocats, à travers une foule de sociétés-écrans... Ils sont les narrateurs de trois affaires de malversations financières fâcheuses qui nous sont présentées.

Le film adopte un ton souvent assez rigolard, et pourtant le sujet, à savoir la façon dont l'argent domine le monde via les agissements d'individus sans scrupules, compassion, ni limites, n'a rien de drôle... Mais Soderbergh a toujours été un expérimentateur en tous points, que ce soit narrativement, ou dans la technique, voire le genre ou la tonalité. A ce titre ce film ne se démarque pas spécialement des courants les plus avant-gardistes de son oeuvre...

...mais que c'est ennuyeux! L'humour cynique tombe totalement à plat, et je dois dire, que ce soit dans la vraie vie, ou dans un film, l'argent est un sujet qui m'ennuie au plus haut point. A voir sur Netflix, le site qui enterre chaque jour le cinéma un peu plus.

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Published by François Massarelli - dans Steven Soderbergh
17 mars 2025 1 17 /03 /mars /2025 15:39

Réalisé avec l'aide de la police de Munich, ce documentaire participe d'un essor du genre dans les années 20, en Allemagne: sous diverses formes, des documentaires attiraient les foules, tout en propsant une utilisation du cinéma nouvelle, excitante et souvent inattendue.

Ce film n'est pour autant pas à assimiler aux Kultürfilme (Kraft und Schönheit est le premier exemple qui me vient à l'esprit), dans lesquels on tentait d'épuiser un sujet de façon rigoureuse, méthodique... et un rien ronronnante! Il n'est pas non plus un de ces films d'avant-garde qui pulluleront à la fin des années 20, comme bien sûr le très célèbre Berlin, symphonie d'une grande ville, de Walter Ruttman (1927): non, plus simplement, il s'agit de montrer de quelle façon les rues allemandes peuvent se muer en autant d'endroits dangereux, en adoptant une approche documentaire légèrement modifiée avec un recours à des acteurs qui interprètent le rôle de passants, de passagers des transports, dans un décalage parfois légèrement farfelu, mais aussi parfois le film rappelle les accidents tragiques... 

Et sinon, le film glisse vers le baroque en tâchant de montrer la différence entre un bon et un mauvais mendiant...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1924 *
16 mars 2025 7 16 /03 /mars /2025 14:40

L'étudiant de Prague a déjà fait l'objet d'une adaptation par son scénariste Hanns Heinz Ewers en 1913, avec la collaboration de Stellan Rye. Le rôle principal, celui de l'étudiant épéiste Balduin, était tenu par Paul Wegener, qui était, déjà, trop vieux pour le rôle... C'est aussi le cas de Conrad Veidt mais ça se voit moins!

En automne, un groupe d'étudiants en goguette s'arrêtent à une tavrne pour y boire et prendre du bon temps. Balduin l'étudiant est amené à secourir la fille d'un noble local, la belle Margit, dont le cheval s'est emballé lors d'une partie de chasse. Balduin est hanté par le souvenir de la jeune femme, et délaisse sa petite amie Lyduschka. Prenant conscience de sa classe sociale, il passe un contrat surnaturel avec le prêteur sur gages Scapinelli (Werner Krauss), qui lui confère richesse et gloire. Il peut désormais essayer de séduire la belle Margit...

Nouvelle variation sur le thème du double et du contrat maléfique, le film est sorti la même année que Faust... Sous la direction de Galeen, il se pare d'un souffle impressionnant, et d'une richesse que ne possédait pas celui de 1913, tout en lourdeurs assez poussiéreuses... Un remake ne s'imposait peut-être pas, mais de toute façon, ce nouvel Etudiant de prague est bien un tout autre film, plus accessible en 1926 aux spectateurs du monde entier, clairement. 

Galeen poursuit ainsi un travail de réappropriation des mythes (Germaniques ou non, puisqu'il a collaboré au film Nosferatu, après tout) en s'appropriant différemment des habitudes de l'écran allemand, l'héritage de la tentation d'un cinéma expressionniste, sempiternel sujet de débat autour des oeuvres cinématographiques de Weimar..; Il y utilise bien des aspects du style (les décors marqués d'Hermann Warm, et bien sûr les deux acteurs les plus marquants de Caligari, ce n'est pas rien) mais son film est empreint d'une vraie fraîcheur: et le jeu de Veidt en particulier y est moins chargé qu'à l'accoutumée. Et Krauss est méconnaissable!

Galeen, et Ewers qui a collaboré au scénario, placent le film dans un souffle spectaculaire, en développant l'intrigue sur deux heures, aussi, évitant les lourdeurs de l'oeuvre initiale. La scène la plus emblématique, durant laquelle Scapinelli opère un échange entre Balduin et son double à travers un miroir, est sans doute la plus traditionnelle, sous l'influence inévitable des habitudes du cinéma allemand d'avant... Mais la magnifique scène de l'entrevue nocturne entre Balduin et Margit, qui fait intervenir les quatre principaux personnages, est superbement pensée, avec l'utilisation inquiétante de l'immense ombre de Krauss...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Henrik Galeen Conrad Veidt 1926 *