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Thomas (David Hemmings) est photographe à Londres, il est très occupé: quand le film commence, il a passé la nuit dans un asile de nuit pour un projet, et il doit faire deux séancs, une avec le modèle Verushka, et uneautre avec un groupe de jeunes modèles qu'il a tendance à bousculer un peu: c'est qu'il s'ennuie, et qu'il ne trouve pas dans sa vie professionnelle et artistique, aussi remplie soit-elle, son compte... Pas plus d'ailleurs que dans sa vie privée avec une épouse qu'il juge "facile à vivre". Il refuse même la propsition de deux modèles de poser pour lui, car elles cherchent à entrer dans la profession. Il part donc à l'aventure, et se retrouve dans un parc, à photographier au hasard: sans le savoir, il a dérangé un couple qui s'y retrouvait en secret... Intrigué par leur comportement, il les suit puis les photographie. Quand elle s'en aperçoit, la femme (Vanessa Redgrave) lui fait comprendre qu'il est hors de question de le laisser partir avec les clichés...
Dès le départ, le rythme est étonnant, décalé presque. Le personnage de Thomas est celui qui imprime son propre cheminement aussi bien au film qu'au spectateur. Décalé, il l'est autant par sa profession que par son aliénation: constamment partagé entre lesphotos qu'il fait et celles qu'il doit faire, entre celles qu'il a faites (qui ne le satisfont pas) et celles qu'il aimerait faire... Tout l'ennuie, à commencer par les femmes qu'il croise professionnellement, et qu'il séduit sans aucun effort. De cette vie nocturne et hasardeuse, il s'échappe dès qu'il peut, en prenant des chemins de traverse: le parc, notamment, ou le fait d'avoir eu l'idée d'insister et de suivre un couple qui de toute évidence ne souhaitait pas être photographié...
L'incident avec le couple du parc, et le fait que la jeune femme qu'il a surprise tente de lui reprendre ses photos (lui proposant même de lui donner son corps s'il le souhaite), devient l'ouverture vers autre chose, un ailleurs inquiétant et excitant. Mais surtout, il va provoquer quelque chose d'inattendu: en développant les photos il va découvrir des détails imprévus. C'est de cet aspect que dérive le titre du film; il va en effet agrandir (blow up) les photos qu'il a prises, jusqu'à y découvrir des ramifications. Le regard de la femme, inquiète et surprise, de quoi est-il une indication? Y'avait-il dans le parc quelqu'un d'autre que lui, la femme et l'homme d'un âge certain avec lequel elle fricotait? Et si elle le savait pourquoi n'a-t-elle rien fait? Quel est ce visage inquiétant qui ressort des agrandissements successifs, d'un homme caché dans un buisson?
C'est cette plongée dans autre chose, quelque chose d'inattendu et d'inquiétant, qui va donner du sel à l'existence du jeune homme, qui vit pourtant dans le swingin' London! Et le film nous le rappelle constamment, mais de façon décalée: les rapports (...à tous les sens du terme) avec les jeunes modèles, dans la discrétion de son atelier privé; des voitures de fêtards en costumes, qui ne parviennent pas à finir leur nuit; un parc tranquille, mais vide au delà du raisonnable: cette douce mais stérile vie du film est aussi décalée que son personnage, qui n'en finit pas de recréer avec son imagination le contexte de ce qu'il a pourtant vu.
Dans ces conditions, alors qu'il doute de l'intérêt de tout, et qu'il recherche tellement un ailleurs qu'il l'invente avec les détails de ses clichés, comment ne pas en venir à douter de sa propre existence ou de sa propre signification? Londres, ruche bouillonnante selon la publicité, est devenue dans le film un lieu éteint, mort... Un endroit futile, comme sont futiles les choses, les êtres et les événements.
Rien que ça. N'empêche que ce film est bluffant, car il réussit à faire énormément avec rien, ou presque... Comme ces photos qui n'en finissent pas d'être agrandies, et qui finissent d'ailleurs par ne plus ressembler... à rien, le film s'amuse de la futilité et du vide intégral d'une société dont les habitants s'enthousiasment pour des concerts (ici on verra un extrait de concert de Yardbirds) dans lesquels rien ne semble les satisfaire jusqu'au moment où Jeff beck, irrité, ne casse sa Gibson ES (oui, c'est un crime); le manche jeté dans le public d'un geste presque rituel, devient un objet indispensable pour le foule qui auparavant semblait en totale léthargie, et maintenant se déchaîne, tout ça à cause d'un geste de frustration d'un artiste se livrant à un acte de transgression...
...inutile.
C'est toute l'ambiguité de ce film: un classique construit sciemment sur du vide.
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